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Pascal Engel, philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), évoque la suppression du latin et du grec dans les lycées et collèges sur un mode ironique.

Par la même occasion, on rebaptisera le Quartier latin d’un nom plus attrayant, «Espace de loisirs rive gauche», et j’avance la modeste proposition de supprimer, également, l’alphabet latin.

Même les catholiques n’ont plus la messe en latin. Veut-on conserver le privilège ultramontain ?

Non barbarus sum. Je ne demande pas qu’on détruise la Vénus de Milo. Mais avons-nous vraiment besoin d’appeler nos détergents «Ajax», nos slips «Athéna» et nos foulards «Hermès» ?
Il faut applaudir des deux mains le projet de suppression de l’enseignement du latin et du grec dans les lycées et collèges. Ces langues ont fait assez de mal à des générations d’enfants soumis à la férule de maîtres imbéciles. Comme disait Leibniz, Nec proinde culpandi sunt quod ista sunt prosecuti, sed quod pueros fatigarunt. Elles les ont éloignés de la vie réelle. […] Mais quel rapport entre le monde ancien et le nôtre ? Ne savons-nous pas que chaque culture a son monde propre, intraduisible dans un autre ? Qui, à part Paul Veyne, peut encore lire l’Enéide ? Qui de nos jours agirait comme Regulus ou les Gracques ? […]

Le latin et le grec ne font que renforcer les inégalités sociales et bloquent l’intégration républicaine. Ils perpétuent des aristocraties académiques indignes de la démocratie du savoir, et empêchent les collégiens d’accéder aux matières utiles à la vie comme la conduite automobile, l’éducation civique et sexuelle. Litterae non dant panem.

Je ne propose pas qu’on détruise les livres en latin et en grec, qui peuvent bien rester numérisés. Mais ne gagnerait-on pas de l’espace en expulsant de nos bibliothèques les Loeb et autres Budé qui les encombrent, et en n’imprimant plus les textes latins de Descartes, Spinoza ou Leibniz ? Ils peuvent bien être ad usum delphini. […] Imaginez aussi le gain de place que feront les musées si les légendes latines des tableaux et sculptures disparaissaient. On supprimera aussi les chiffres romains, qui ne servent à rien, et l’alphabet grec, avec ses Ω et ses ∑ que seuls les mathématiciens utilisent. […] Libération

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