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Washington annonce un recul des extractions aux Etats-Unis pour la première fois depuis la baisse des prix du brut. Les majors encaissent un spectaculaire repli de leurs découvertes. Et l’Arabie Saoudite révèle une très forte accélération du rythme de forage dans ses champs existants.

On l’attendait, mais peut-être pas si vite. La production américaine de pétrole marque un important repli en rythme hebdomadaire et mensuel, selon les chiffres rendus publics cette semaine (02/04/2015) par Washington. Ce sont les premières baisses des extractions enregistrées depuis l’effondrement des cours du baril.

La production américaine de brut a diminué la semaine dernière de 36 000 barils par jour (b/j), pour s’établir à 9,386 millions de barils par jour (Mb/j), selon les estimations publiées hier par Washington. Cette baisse constitue l’une des plus fortes baisses hebdomadaires jamais enregistrées aux Etats-Unis, souligne l’agence Bloomberg.

Les extractions américaines ont pour la première fois fortement chuté au mois de janvier, de 135 000 b/j, d’après les données mensuelles les plus récentes disponibles, également publiées cette semaine par le gouvernement américain (données cette fois non plus estimées mais consolidées). Il ne s’agit pas d’une variation saisonnière.

“Ce pourrait bien être le début d’une tendance”, estime à Houston un analyste cité par le Wall Street Journal.

La diminution de près de moitié depuis le mois d’octobre du nombre d’appareils de forage (“rigs“) en activité à travers les Etats-Unis est sans doute la cause fondamentale de cette évolution.

Après s’être accrue à un rythme sans précédent en 2014, la production de pétrole américaine, puissamment tirée vers le haut par le boom des pétroles “de schiste”, a créé une situation de surapprovisionnement sur le marché mondial, situation qui a été le facteur principal au cours des derniers mois de la chute des cours du baril, lesquels ont cédé plus de 50 % de leur valeur depuis l’été dernier.

Cette chute des prix de l’or noir a entraîné en retour un brutal ralentissement des activités de forage de pétrole “de schiste” (ou plus exactement de roche-mère) aux Etats-Unis. Or par nature, cette forme de pétrole non-conventionnel réclame de conserver un rythme très élevé de forages afin de maintenir à niveau les extractions : la fracturation hydraulique libère d’emblée la production maximale des puits de pétrole (ou de gaz) de roche-mère, une production qui s’effondre ensuite très rapidement, en général dès les premiers mois d’exploitation.

Le boom du pétrole de roche-mère constitue jusqu’ici la plus prometteuse planche de salut de l’industrie pétrolière confrontée au pic de production historique atteint en 2008, selon l’Agence internationale de l’énergie, par le pétrole conventionnel, le pétrole liquide classique qui constitue encore les 4/5e de l’offre mondiale d’or noir.

La plupart des compagnies pétrolières ont fait part au cours des derniers mois de fortes réductions de leur capitaux investis dans le développement de la production, suite à la chute des cours de l’or noir. Le phénomène concerne aussi bien les majors occidentales (dont les investissements d’exploration vont être réduits de pas moins de 30 % cette année, selon l’agence Wood Mackenzie) que les grandes compagnies nationales du golfe Persique, du Venezuela ou encore de Chine. Au Brésil, le développement des ressources offshore ultra-profond devrait nettement marquer le pas, faute d’investissements suffisants, dans un contexte où la compagnie nationale Petrobras subit en outre les conséquences d’un vaste scandale de corruption politique.

La production existante de pétrole conventionnel connaît depuis plus d’une décennie un déclin dit “naturel” – correspondant à ce qu’il se passerait si les investissements visant à soutenir cette production existante étaient totalement interrompus – de l’ordre de 5 % par an. Cela signifie que grosso modo l’équivalent d’une nouvelle mer du Nord doit être chaque année mise en production, ne serait-ce que pour compenser ce déclin de la production existante.

Sur ce front-là, les dernières nouvelles apparaissent également préoccupantes pour l’industrie.

Les nouvelles découvertes de pétrole et de gaz des majors historiques occidentales (ExxonMobil, Chevron, BP, Shell et Total) ont à nouveau fortement marqué le pas l’an dernier, pour s’établir à 2,3 milliards de barils d’équivalent pétrole, un chiffre en repli d’un quart par rapport à 2013 et de moitié quasiment par rapport à 2011, selon Morgan Stanley.

Cette évolution s’inscrit dans un contexte où la production totale de brut de ces majors, laquelle constitue environ un dixième des extractions mondiales, connaît un fort déclin depuis une décennie (évolution mise au jour sur ce blog), en dépit des efforts d’investissements sans précédent consentis au cours de cette même période.

Un analyste de Morgan Stanley, Martijn Rats, constate :

“Les découvertes s’épuisent. C’est de plus en plus dur de trouver du pétrole en dehors des Etats-Unis. Il y a de grandes success stories aux Etats-Unis avec le gaz et le pétrole de roche-mère, mais en dehors de ça, les forages conventionnels aboutissent de moins en moins.”

La difficulté croissante à maintenir la production existante se manifeste également du côté de la reine de la planète pétrole : l’Arabie Saoudite.

Le nombre de rigs de forage de pétrole et de gaz actifs en Arabie Saoudite a atteint l’an dernier un niveau sans précédent, doublant depuis 2011 en passant de près d’une centaine cette année-là à 140 en 2012, puis à 150 en 2013 et enfin à 210 en 2014, selon les estimations fournies la semaine dernière par l’agence Reuters. Ce nombre paraît être encore en augmentation ces derniers mois, précise l’agence.

Une partie de cette accélération des activités de forages reflète la volonté de la Saudi Aramco, la très secrète compagnie pétrolière nationale saoudienne (ainsi que la plus puissante du monde), de développer ses ressources en gaz naturel. Le but : offrir une échappatoire à la consommation effrénée de pétrole des Saoudiens pour l’électricité ou la désalinisation de l’eau. Une consommation qui grève les capacités d’exportation d’or noir du royaume.

Mais il n’y a pas que ça.

Ancien vice-président exécutif de l’Aramco chargé des extractions, le géologue Sadad al-Husseini, aujourd’hui expert indépendant que certains (dont moi) ont appris à considérer comme une sorte de voix off des ingénieurs de l’Aramco, déclare à l’agence Reuters :

“Il vous faut forer davantage si [comme l’Aramco] vous produisez 10 Mb/j et vous voulez conserver votre marge de manœuvre. (…) C’est également un phénomène naturel dans le business du pétrole, plus vous produisez, plus vous épuisez vos réserves, et plus les capacités de vos champs déclinent. Il vous faut forer plus de puits plus fréquemment, juste pour maintenir la production.”

Ghawar, le premier champ pétrolier saoudien et le plus grand de la planète, est officiellement arrivé “à maturité” (c’est-à-dire qu’il est à peu près à moitié vide) au milieu des années 2000.

Où tout cela peut-il bien mener ?

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