19/04/15
16/04/15
PORTRAIT Le nouveau délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme est à la manœuvre de l’après-Charlie.
Le délégué interministériel ne croit plus à l’antiracisme des années 80. L’approche était «généreuse, mais trop générale». L’argument d’alors, celui du «racisme, c’est pas bien», ne suffit plus. Il se souvient que les choses étaient simples, et la question bien identifiable. «Quand j’étais petit, les racistes, c’étaient les Dupont-Lajoie.» «Les victimes et les coupables ne sont aujourd’hui plus les mêmes», constate-t-il.
Il dit qu’il faut cesser de tout confondre, la question du racisme, et celle des discriminations ou des relégations. Traduit dans son verbe mi-technocrate mi-cool, cela se formule ainsi : «Ça ne performe pas, si on tourne autour du pot.» Analysé par son adjoint, Reda Didi, cela donne : «C’est un pragmatique courageux.»
Dans ce malaise post-Charlie, où l’antisémitisme tue, et l’islamophobie gangrène, où il faut gérer les drames, les malaises, les actes, les dires et les ressentis, Gilles Clavreul a fait des choix. Sans surprise, on entend du Manuel Valls dans le texte. «Tous les racismes sont condamnables, mais le racisme anti-Arabe et anti-Noir n’a pas les mêmes ressorts que l’antisémitisme dans sa violence. Il faut être capable de dire la particularité de l’antisémitisme.» Il raconte «cette haine du juif qui rassemble extrême droite et islamistes» et «qui ressort à chaque fois que cela va mal dans une société».
Le délégué est, en revanche, plus circonspect sur le sujet de l’islamophobie, terme qu’il se refuse à employer. Il regarde, avec méfiance, l’éclatement de la sphère antiraciste en collectifs sectoriels qu’il juge clairement «communautaristes» : collectifs contre l’islamophobie, contre la négrophobie. «Ils sont dans une revendication victimaire destinée à faire reconnaître un groupe en tant que groupe. Ils instruisent le procès de la France comme étant coupable de tous les crimes : l’esclavage, la colonisation…» Il trouve qu’en tant que «républicains, on devrait plutôt se féliciter que la France ait aboli l’esclavage». Et de se pencher sur le cas des islamistes radicaux. «Ils sont terribles, parce qu’à travers leur islam, totalement dévoyé, ils arrivent à imposer un rapport de force politique permanent. Ils montrent qu’on peut vivre entre soi, totalement en dehors de la société, tout en respectant la loi.» Pourtant, dans la série de ce qu’il nomme «les promoteurs de l’être séparé», Gilles Clavreul cultive un agacement particulier vis-à-vis de «tous ces gauchistes qui jouent, sans vergogne, le jeu du communautarisme».
Gilles Clavreul est particulièrement disert sur leur compte. Il raille les affiches électorales de l’extrême gauche avec des femmes voilées. «Que la figure de la femme palestienne voilée soit devenue l’alpha et l’oméga de la cause du prolétariat est quelque chose de délirant.» Il en a marre «de tous ceux qui se voilent la face». Et il ajoute qu’il ne voulait pas faire de jeu de mots. Ce sujet l’énerve.
(…) Libé