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Frédéric a 45 ans, un métier, une compagne, une maison. Une vie normale en soi, à ceci près qu’il a construit sa maison et que cette dernière n’a pas l’eau courante, ni l’électricité. Frédéric est décroissant, un mode de vie qu’il a choisi parce qu’il refuse le monde de la surconsommation et de relations virtuelles. Témoignage.

J’ai 45 ans et j’habite depuis juillet 2013 dans une maison que j’ai construite moi-même. Je n’ai ni l’eau courante, ni l’électricité. Ma démarche s’inscrit dans la décroissance, ou la “sobriété heureuse“, comme dirait Pierre Rabhi.

Contrairement aux idées reçues, la décroissance n’est pas un concept de bobos ou de hippies. J’ai un métier, je suis bénévole en soins palliatifs et par ailleurs marathonien. Cette décroissance, pour moi, est une manière de vivre simplement. Une façon de privilégier l’être au paraître, les contacts humains aux contacts virtuels et le partage avant tout.

Je n’ai donc pas de télé, pas de frigo, pas d’ordinateur, pas de lave-linge ni de lave-vaisselle. Je me passe très bien de la télé. Le temps que je ne perds pas à la regarder me permet de m’investir dans d’autres activités. Je la trouve abrutissante, débilitante.
Quand je vois que les Français la regardent en moyenne 4 heures par jour, je me dis qu’ils pourraient mieux occuper leur temps. Apprendre aussi à ne rien faire, c’est important.
Même chose pour le frigo. Je suis végétarien donc je n’ai pas vraiment besoin de conserver de viande ni de poisson, et je me passe sans problème de lait, de crème ou de beurre. Je mange beaucoup de légumes (crus dans la mesure du possible), sinon je les fais cuire dans le poêle, à l’aide d’un four solaire, ou sur un réchaud. Si vraiment j’ai besoin de conserver quelque chose, il y a toujours la cave.
Je préfère prendre le temps de cuisiner des choses simples plutôt que de consommer de nourriture industrielle, au moins je suis à l’abri des scandales sanitaires qu’on a connus ces derniers temps, qui concernent d’ailleurs essentiellement les non-végétariens (lasagnes au cheval, vache folle, fièvre aphteuse, grippe aviaire…).
Je n’ai pas d’ordinateur chez moi non plus. Pendant que certains d’entre vous étalent leur vie sur les réseaux sociaux ou passent des heures à regarder des vidéos au lieu de profiter de vrais moments avec des amis, je ne suis esclave de rien.
Depuis quelques temps, j’anime un blog sur lequel j’explique ma démarche. Quand je veux l’alimenter, je vais chez des amis ou à la médiathèque. Ça me suffit amplement.
Pour ma maison (il y en a deux l’une à côté de l’autre, pour environ 70m2), j’ai privilégié une construction bioclimatique. Les façades principales sont au sud et à l’est avec de larges surfaces vitrées pour faire rentrer la lumière (et donc la chaleur du soleil). Le tout est très bien isolé pour faire en sorte de perdre le moins d’énergie possible.
En plein hiver, il n’a jamais fait moins de 10 degrés dans la maison, chauffage éteint. Sinon, je me sers d’un poêle à bois si nécessaire.
En ce qui concerne l’hygiène, je me sers de l’eau de pluie que je fais chauffer sur le poêle ou sur un réchaud et que je verse ensuite dans un jerrican placé en hauteur.
Mais ça ne s’arrête pas là, je fais mon propre savon avec de la lessive de soude, des huiles alimentaires et des colorants naturels. Même chose pour le déodorant, je le prépare avec de l’huile de coco, du bicarbonate de soude et de la fécule de maïs. Sinon, je fais la lessive à la main ou en Lavomatic.
Vivre sans électricité n’est pas un problème pour moi. Mes seuls et uniques besoins en électricité concernent mon téléphone portable et la visseuse électrique : une dépendance largement satisfaite par un panneau solaire. Si besoin, je peux aussi recharger mes équipements chez mon amie. Le raccordement de mon logement au réseau EDF est tout simplement inenvisageable.
Autour de moi, ce choix de vie est assez bien perçu. Mes proches comprennent la démarche, conscients que le mode de vie croissanciste occidental est insoutenable, où les dimensions humaines et écologiques ne sont que des variables sans intérêt, voire même souvent considérées et donc traitées comme des obstacles à cette expansion infinie.
Je perçois beaucoup d’interrogations de prime abord auprès des gens que je ne connais pas, mais je ne me souviens pas avoir déjà eu affaire à de l’hostilité. J’ai conscience que ma manière de vivre est peut-être un peu extrême, mais je tiens beaucoup à la valeur de l’exemple, pour montrer que même en allant aussi loin, on peut très bien vivre.
Le fait de se libérer du matériel permet de dégager du temps et de l’énergie pour les rapports humains, le partage, la fraternité, la solidarité…
Le Nouvel Obs

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