Appelée « UHA 4.0 », cette formation fondée exclusivement sur la pédagogie par projet vise à former des développeurs informatiques en trois ans avec la possibilité de décrocher une licence professionnelle.
Mais l’originalité du cursus tient au fait qu’il n’y a ni cours, ni exam et donc ni stress. Vice-président délégué à l’innovation et professeur d’informatique, Pierre-Alain Muller, cheville ouvrière du projet, est parti de deux constats. Le premier : « Dans ce secteur, le marché du travail est en tension, dit-il. D’autant qu’en Suisse, toute proche, il existe 77 000 offres non pourvues. »
Une autre manière d’étudier
Le second : « Nous avons des jeunes, constate M. Muller, qui ont du mal à trouver leur place dans le système classique. Ils peinent à suivre des cours, à se concentrer sur des matières abstraites. L’idée est donc de proposer une autre manière d’étudier. » Même si, finalement, ceux qui débutent UHA 4.0 cette semaine ne sont pas tous des décrocheurs. « Je me suis inscrit en IUT, mais j’ai arrêté, raconte par exemple Grégoire Schaffhauser, 20 ans, qui fait partie de la première promotion. La façon de travailler ne me convenait pas. J’étais un peu perdu. Et on s’occupait moins de nous qu’au lycée. Lors des contrôles, je stresse devant ma copie. Résultat, je rate. Là, ça marche par projet, on s’aidera entre élèves. C’est plus facile pour des gens comme moi. »
La pédagogie par projet n’est pas vraiment une nouveauté. Epitech, « l’école de l’innovation et de l’expertise informatique », en a fait sa spécialité il y a quinze ans. En 2013, l’école « 42 », créée par le fondateur de Free, Xaviel Niel (actionnaire à titre personnel du Monde), ouvrait ses portes à des jeunes sans condition de niveau d’études, sans droits d’inscription et sans diplôme à la clé. Mais qu’une université propose une telle formation est notable.
Liste de compétences
A UHA 4.0, les « étudiants » travailleront sur des projets concrets de recherche et de développement. Une liste de compétences a été préétablie, et « les étudiants travailleront sur leur projet jusqu’à ce qu’ils aient acquis ces compétences », explique M. Muller. Mais il n’y aura pas d’examen sanction. « A quoi cela sert-il de constater, lors d’un examen, qu’un étudiant n’a pas réussi ? A rien, puisqu’on ne l’aide pas derrière », estime-t-il. Les étudiants qui le souhaitent pourront, à l’issue du cursus, se présenter devant un jury de valorisation des acquis de l’expérience (VAE) pour obtenir une licence professionnelle.
Si elle est proche de la pédagogie mise en œuvre à Epitech et à 42, la formation UHA 4.0 se distingue cependant des deux autres. « A Epitech, nous formons des experts qui acquièrent un niveau de compétence supérieur à ce que les étudiants de l’UHA 4.0 seront, c’est-à-dire des techniciens, dit Fabrice Bardèche, vice-président exécutif de IONIS, le groupe auquel Epitech appartient. Nos étudiants ne deviennent pas que des techniciens, ils sont capables de réinventer la technique. Et comme nous les formons en cinq ans, ils acquièrent en outre une dimension internationale et des compétences managériales. »
La transmission
Contrairement à ce qui se passe à 42, « pour participer à UHA 4.0, il faut le bac, remarque Nicolas Sadirac, directeur général de 42. Ils sont dans une démarche universitaire d’acquisition de savoirs et de compétences. Ce n’est pas la nôtre. On n’est pas dans la transmission à 42. Chez nous, les élèves se structurent en équipe pour trouver une réponse à un problème. Nous fabriquons des gens qui seront capables d’apprendre au fur et à mesure de leurs besoins. »
« Nous n’avons pas une couleur aussi “geek” qu’à 42, admet M. Muller. Ni une sélection aussi rude qu’eux. Chez 42, ils disent chercher s’il se trouve un génie parmi 5 000 candidats. Nous, nous cherchons juste à amener des gens normaux vers l’emploi. Quant à Epitech, ils sont plus chers. »
De 5 990 euros à 7 800 euros selon les années, quand UHA 4.0 coûtera 3 999 euros par an. « C’est très bien que l’université cherche des ressources complémentaires, estime M. Bardèche, car cela lui permet de monter des formations de nature différentes, même si ce sont des formations qu’elle a beaucoup critiquées il y a quinze ans. » A 42 aussi, on se réjouit du message envoyé par l’université. « Ce qui est intéressant, ce n’est pas ce qu’ils font, mais qu’ils le fassent, note M. Sadirac. Le problème à l’université, c’est que ça ne bouge pas, en effet. C’est donc porteur d’espoir. On ne peut que souhaiter que ça marche, et que ça fasse des émules… »
Le Monde