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Dans sa dernière chronique pour Libération, Bernard Guetta revient sur “trois des idées constamment défendues dans sa chronique“, et qui lui “paraissent toujours essentielles“.
Ceci est mon dernier papier pour Libé. Je le regrette car je suis très profondément attaché à ce journal […].
La première est l’absolue nécessité de ne pas laisser l’Europe se défaire. Tout menace, et toujours plus, son unité parce que ses politiques paraissent se résumer aux restrictions budgétaires et qu’elle passe désormais pour une dictature technocratique alors que rien ne s’y fait sans que la majorité des gouvernements élus dans chacun de ses pays ne l’ait décidé. […] L’unité européenne est un impératif d’autant plus grand que seule une puissance publique de taille continentale nous permettra de maintenir l’exemplaire degré de protection sociale et de démocratie, de civilisation, auquel nous sommes parvenus après tant de luttes et dont aucun autre pays que les nôtres ne bénéficie, pas même les Etats-Unis. […] La deuxième idée que j’aurais aimé continuer à défendre dans ces colonnes est que le plus grand des dangers qui nous menacent serait de nous croire en guerre avec l’islam. Comme Al-Qaeda hier, c’est ce dont les égorgeurs de l’Etat islamique voudraient nous persuader afin de précipiter les mondes chrétien et musulman dans un affrontement dont l’Europe ne pourrait, à leurs yeux, que sortir perdante mais la réalité est tout autre – quelle que soit l’horreur des attentats qu’ils continueront de fomenter.

Comme les batailles démocratiques de l’Europe du XIXe siècle, ce combat sera long mais la génération qui avait fait les «printemps arabes»
sera aux commandes sous un quart de siècle au plus tard parce qu’elle a le nombre et le savoir pour elle.

Quant à la troisième idée que cette chronique aura si souvent défendue elle est que nos échiquiers politiques mentent. Qu’on le veuille ou non, il n’y a plus, en Europe, d’opposition déterminante entre une gauche qui aurait le monopole du bien commun et une droite qui incarnerait la réaction, tous courants confondus. Le développement, dans presque tous les pays de l’Union, de nouvelles extrêmes droites xénophobes et europhobes dessine deux nouveaux blocs, droites radicales et extrêmes droites d’un côté, gauches et droites modérées de l’autre. Tant que ce changement n’aura pas été reconnu, l’offre politique continuera à ne plus correspondre à rien et le discrédit de la politique s’accentuera, alors même qu’il est déjà mortifère.
Voilà tout ce que je souhaitais redire ici avant de maintenant dire au revoir aux lecteurs de Libé et de souhaiter plein succès à leur journal.
Libération

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