Le Front national a fait l’objet de nombreuses dénonciations des derniers mois au nom de la République. Pour le philosophe Vincent Coussedière, le “parti d’extrême droite” appartient lui aussi au système des partis. Il est l’auteur d’«Eloge du populisme» (Elya éditions).
Pour sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes, il ne suffira donc pas de choisir entre une voie FN et une voie prétendument républicaine. Cette alternative là est un leurre. Lorsque Marine Le Pen attaque le système UMPS, elle oublie qu’elle participe elle-même au dispositif qu’il faudrait appeler UMPS/FN. C’est l’enfermement des Français dans ce dispositif qui constitue l’impasse française.
Si le FN est effrayant, ce n’est pas par son extrémisme, mais par la névrose de répétition de la société française dont il est le symptôme. Il incarne l’aboutissement de la dépolitisation totale de la France depuis l’après-guerre, par-delà le sursaut gaullien. L’évolution du FN vers une sorte de socialisme national est, à cet égard, tout à fait révélatrice. Ce que le FN veut conserver, ce n’est pas la tradition républicaine redécouverte par De Gaulle, c’est L’État-Providence réservé au nationaux.
Les plus bruyants défenseurs de la République ont souvent été, dans l’histoire française, ses principaux fossoyeurs. Ceux qu’on présentait comme ses pires ennemis ont parfois été ses meilleurs défenseurs. De Gaulle lui-même, dont on caricatura le «nationalisme», voire qu’on présenta comme «fasciste», non seulement sauva la République, mais en refonda une qui fut la plus longue et la plus solide dans l’histoire de France. L’Histoire, disait Marx, débute en tragédie et se répète en farce. La farce, aujourd’hui, c’est l’hystérie «républicaine» qui se déchaîne contre Marine Le Pen et le FN, réputés menacer la République, par des «républicains» n’ayant visiblement pas compris, ou faisant semblant de ne pas comprendre, que la République était déjà morte depuis belle lurette. La farce, c’est aussi Marine Le Pen se prenant pour la réincarnation de De Gaulle en sauveur de la Nation. […] Il y a beaucoup d’inconscience, d’irresponsabilité et de mensonge à prétendre sans arrêt vouloir refonder la République ou la défendre à travers la ligne Maginot d’un prétendu «front républicain». Où la ligne de «front» pourrait-elle passer, dès lors qu’il apparaît qu’il n’y a plus rien à défendre, que les lignes ont été enfoncées depuis longtemps, et que la défaite a été consommée ? […]
En faisant l’effort de présenter des candidats partout, et à toutes les échéances, le FN se transforme en machine partisane destinée à conquérir le pouvoir.
L’UMPS/FN est ainsi devenu une sorte de machine infernale qui précipite le pays vers l’abîme à force de le laisser dans l’immobilité. L’immobilité des faux clivages, des faux enjeux, des fausses mobilisations, des mobilisations immobiles. […] Le Figaro