C’est certainement une chose à laquelle on ne s’attendrait pas dans le milieu de la justice en France. Une juge a été écartée de l’affaire des retraités marocains de la SNCF, car suspectée d’une éventuelle partialité en raison de son origine marocaine. Révélée ce jeudi par Le Canard enchainé, l’affaire suscite déjà de vives réactions, notamment au milieu des Français d’origine marocaine. Détails.
Les faits remontent à novembre-décembre dernier, quand Karima Gassem, une juge du service de départage des prud’hommes de Paris se voit refuser le dossier des anciens cheminots marocains de la SNCF, nous informe une source proche du dossier. L’affaire concerne les 832 plaignants qui réclament justice depuis des années pour des discriminations dont ils ont fait l’objet pendant plus de 30 ans.
L’affaire atterrit au service de départage des prud’hommes de Paris en 2013. Au mois de janvier en effet, les premières décisions de justice devaient commencer à tomber. Mais les quatre juges chargés du dossier n’avaient pu dégager une majorité. « Les conseillers prud’homaux [avaient alors] décidé de recourir à un juge départiteur, c’est-à-dire un magistrat professionnel, pour statuer », rapportait 20minutes à l’époque. Alors qu’aucun juge départiteur ne s’était proposé, Karima Gassem se portera volontaire, mais le dossier sera finalement confié à un autre.
C’est seulement après la rentrée des prud’hommes en janvier dernier que la jeune femme apprendra par le biais du nouveau chef de service, Didier Le Corre, que son prédécesseur lui avait dit à plusieurs reprises de ne pas donner le dossier des anciens cheminots marocains de la SNCF à Karima Gassem. Pourquoi ? Parce qu’elle est d’origine marocaine et cela pourrait mettre à mal son impartialité.
Contacté par Le Canard enchainé, M. Le Corre confirme la mise à l’écart de Karima non pas pour cause de supposée partialité, mais dans « l’intérêt du service ».
Une fois informée, la juge s’est adressée au Syndicat de la magistrature et s’est plainte auprès du président du tribunal, Jean Michel Hayat. Mais ce dernier, nouvellement élu n’était pas présent au moment des faits. « Si elle est vraie, cette histoire est particulièrement navrante et monstrueuse », estime-t-il. Pour la présidente du Syndicat, Françoise Martres, « c’est inacceptable, insupportable de voir une magistrate suspectée de partialité en raison de ses origines ! ».
L’article publié ce jeudi par Le Canard enchainé a suscité une profonde stupéfaction chez les Français d’origine marocaine. « C’est grave ! », s’insurge Salem Fkire, président de Cap Sud MRE. « Ce n’est pas la qualité professionnelle [de Mme Gassem, ndlr] qui est mise en cause, mais son origine ethnique. Est-elle française ou non ? », s’interroge-t-il avant d’ajouter : « en France aujourd’hui, l’origine ethnique prend le pas sur les compétences professionnelles. C’est discriminatoire ».
A priori, ce genre de procédé ne devrait pas passer inaperçu. On l’a vu à Lyon le 16 octobre 2013 où un avocat a carrément été radié du barreau pour avoir demandé la récusation d’un magistrat en raison de son patronyme à consonance juive….
Yadibaldi