Le fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, a été suspendu du parti, le lundi 4 avril. Cette expulsion se veut le point culminant de la “dédiabolisation” du parti d’extrême droite. Pour Joshua Adel, spécialiste de la communication politique, avant même cette rupture affichée le FN avait déjà gagné.
L’idée républicaine étant jugée ringarde ou réduite à un artifice de marketing politique, “l’islamisation de la France” n’est plus vilipendée par le FN au nom de la “France blanche et catholique”, mais bien au nom de la République laïque ; de même, l’extrême droite semble plus crédible que le Front de gauche pour répondre aux aspirations des citoyens à retrouver de la souveraineté sur leur propre vie face aux ravages de la mondialisation et de la finance internationale.
L’offensive gramscienne du FN “dédiabolisé” atteint son paroxysme symbolique lorsque “Libération” ne prend plus la peine d’utiliser l’expression raciste “Français de souche” avec les guillemets qui s’imposent dans son numéro du 26 septembre 2013.
La “dédiabolisation” du FN est en marche, et rien ne l’arrêtera. Pas même Jean-Marie Le Pen, qui avait contribué à façonner le parti frontiste à l’usage des intérêts du clan Le Pen, de la “marque” Le Pen. Rien ne s’opposerait à ce que le “nouveau” FN ouvre alors un processus constituant qui le conduirait à changer de nom pour tourner définitivement la page de l’histoire de ce parti fondé par un groupuscule néo-fasciste, Ordre nouveau, pour rassembler toutes les tendances de l’extrême droite française : pétainistes, fascistes, royalistes, catholiques intégristes, nationalistes-révolutionnaires. […]
La “dédiabolisation” du FN orchestrée depuis 2011 n’est pas un reniement de l’idéologie réactionnaire et du programme nationaliste de l’extrême droite, mais un lissage de son image politique pour élargir sa base sociologique et amadouer les élites du “système”. Pour prendre le pouvoir, le parti d’extrême droite doit effacer l’héritage du régime de Vichy, de l’Algérie française et des catholiques intégristes et gagner une respectabilité “républicaine”.
La suspension de Jean-Marie Le Pen de sa qualité de “président d’honneur” sert donc cette œuvre de conquête de crédibilité à exercer le pouvoir – ce que le vieux tribun s’est toujours refusé à envisager. […]