La Commission européenne veut mettre en place un système imposant des quotas à chaque pays afin de soulager l’Italie, Malte et la Grèce, en première ligne dans la prise en charge des migrants.
De notre correspondant à Bruxelles
Entre la Libye et la Sicile, l’exode des migrants s’accélère et l’Europe abat ses cartes, coup sur coup. A partir de lundi, elle tentera d’arracher au Conseil de sécurité de l’Onu une résolution l’autorisant à user de la force sur les côtes libyennes, pour casser le trafic. Mercredi, ce sera à chacune des capitales de l’UE de prendre ses responsabilités: Jean-Claude Juncker, ulcéré par l’inertie collective des 28, entend mettre sur le tapis un système contraignant de quotas par pays afin de soulager l’Italie, Malte et la Grèce du fardeau de dizaines de milliers de demandeurs d’asiles.
L’opération militaire ne débuterait qu’en juin sous les couleurs de l’UE, après l’ultime feu vert d’un sommet européen. Mais rien n’empêchera les marines italienne, française, britannique ou espagnole de s’y préparer d’ici là, dans les eaux internationales. Ou même d’engager le fer, une fois le feu vert donné au Conseil de sécurité.
Politiquement, c’est dans une mission encore plus explosive que va s’embarquer le chef de l’Exécutif européen dès le milieu de la semaine. Jean-Claude Juncker veut obtenir des commissaires et des 28 pays ce qu’ils ont jusqu’ici refusé: des quotas nationaux de prise en charge des demandeurs d’asile, afin de soulager le sud de l’Italie par exemple de quelque 80.000 réfugiés en attente de régularisation, ou d’expulsion. «Le flot va continuer, argumente la hiérarchie de la commission. Pour agir, l’UE ne doit pas attendre que la pression devienne intolérable».
Dynamite politique
L’équipe Juncker veut mettre en place un «mécanisme de distribution» pour les seuls réfugiés qui «ont clairement besoin d’une protection internationale», d’après le document de travail consulté par Le Figaro. Pour chacun des pays de l’UE, la clé de répartition tiendrait compte du PIB, de la population, du taux de chômage et du nombre de demandeurs d’asile déjà volontairement pris en charge.
Ce serait un système temporaire, face à l’urgence, en application de l’article 78.3 du traité de Lisbonne. Mais l’ambition est affichée de pousser plus loin, dès la fin de l’année: un système «permanent», «automatique» et «obligatoire» de transfert à travers toute l’Europe des échoués de la Méditerranée et autres demandeurs méritant l’asile, selon les textes en préparation. Ces quotas, quel que soit leur nom, sont de la dynamite politique.
En France, bien sûr. Mais aussi au Royaume Uni où la victoire de David Cameron vient de se jouer en grande partie sur le thème du contrôle des frontières. Et encore en Pologne, en Hongrie et dans les États baltes, qui prennent très peu de réfugiés venus du Sud. A l’inverse, l’Italie, la Grèce, Malte et Chypre attendent depuis des années que l’UE tire un trait sur la règle qui impose au pays d’entrée de prendre en charge les migrants, de traiter les demandes d’asile et de renvoyer ceux qui sont récusés.
Jean-Claude Juncker peut compter sur deux autres puissants alliés. L’Allemagne qui -voit dans des quotas généralisés une solution d’équité face à la crise. Et ensuite le Parlement européen, qui sera consulté. Conservateurs, Centristes et Sociaux-démocrates confondus, il s’est déjà prononcé il y a dix jours pour des quotas contraignants par 449 voix, contre 130 et 93 abstentions.