Le philosophe Abdennour Bidar demande la création d’un ‘ministère de la fraternité” pour remédier à ses “fractures sociales et culturelles”. Il est l’auteur de “Lettre ouverte au monde musulman”.
Si la République a été coupable du pire en créant en 2007 le sinistre ministère de l’identité nationale et de l’immigration, elle doit être aujourd’hui capable du meilleur en ayant l’audace de créer un ministère de la fraternité.
Et je demande au passage, à tous ceux qui persistent à penser incompatibles l’islam et la France, s’il est bien indifférent que ce soit un philosophe de culture musulmane qui le réclame aujourd’hui à cette République dont il est l’un des fils ?
Notre société est confrontée en effet à des fractures sociales et à des fractures culturelles qui font passer un test sans précédent à l’efficacité et au bien-fondé de notre contrat social :
inégalités qui se creusent entre riches et pauvres, sécessions spatiales entre territoires prospères et zones de relégation, replis identitaires exacerbés par la défiance sans arrêt croissante vis-à-vis des immigrés et des musulmans, communautarismes religieux qui prolifèrent sur le terreau des ghettos sociaux, et par-dessus tout cela, en fond d’écran, l’opposition frontale révélée par Charlie entre le sacré républicain (la liberté de conscience) et le sacré religieux (la figure du Prophète). […]
Nous n’avons su jusqu’à présent, le plus souvent, que lutter contre toutes les forces centrifuges qui nous éloignent les uns des autres : lutte contre le racisme, contre les inégalités, contre les discriminations, etc. C’est nécessaire mais insuffisant. Songeons à quel point ce serait beaucoup plus fédérateur, entraînant, stimulant, si nous nous mettions enfin à lutter pour la fraternité. Non seulement cela nous donnerait une direction positive, vers l’avant, mais nous y gagnerions en termes d’efficacité pure. […]
Le Monde