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Pour Jean-Marie Rouart, de L’Académie française, la réforme de l’Éducation menace les humanités classiques. Supprimer le latin et le grec, c’est toucher aux piliers de notre culture et au “coeur au passé de la France”.

L’homme nouveau, seul, sans passé, livré à la tyrannie du présent sans être pour autant délivré des angoisses de l’avenir, subira la servitude des aveugles qui tâtonnent dans leur nuit. Ce qui désole, c’est tout le temps et le nombre de génies qu’il aura fallu pour construire ce chef-d’œuvre, legs d’une culture millénaire, et le si peu de temps qu’il aura fallu aux politiques pour le détruire, par caprice, d’un trait de plume.

Les Français sont fiers de leurs Prix Nobel ; fiers de leurs athlètes qui remportent des médailles aux Jeux olympiques ; orgueilleux lorsque l’équipe de France gagne la Coupe du monde de foot ; respectueux et admiratifs des bêtes à concours qui essaiment à l’Ecole polytechnique ou à Saint-Cyr. […] D’où vient alors que ce même peuple en soit arrivé, dans un domaine fondateur de la société, l’enseignement, à remettre en cause tout ce qui, de près ou de loin, s’apparente à des classements ? Comme si la sélection des meilleurs élèves était vécue telle une insulte vis-à-vis des moins bons, comme si la distinction entre les bonnes notes et les mauvaises devait être effacée ; comme si, enfin, la sélection par les études au collège n’était qu’un moyen de favoriser une classe sociale dominante, arrogante, qui veut conserver ses privilèges et son pouvoir au détriment des défavorisés, des enfants des banlieues et des laissés-pour-compte de la diversité. […] Si les principaux griefs que l’on formule touchent à l’inéluctable suppression du grec et du latin, ce n’est pas seulement en raison du caractère hautement symbolique que revêtent ces deux disciplines dans l’histoire de la culture et même de la civilisation française, c’est parce qu’elle révèle derrière ce projet une entreprise beaucoup plus vaste, turlutaine de certains socialistes doctrinaires, qui considèrent qu’il faut revenir au processus interrompu de 1789, au but même de la Révolution française : changer l’homme.

Et, pour changer l’homme, il faut le débarbouiller de cette culture classique, apanage culturel des classes bourgeoises. Rien de plus périphérique et anecdotique en apparence que l’étude de ces langues mortes – déjà ce qualificatif ne présage rien de bon – qui ne sont pas « utiles », puisque plus personne ne songe à les parler, et sentent le régent de collège et la sacristie. Pourtant, supprimer le grec et le latin, c’est arracher le cœur culturel de la France. Ces langues sont constitutives de ce que nous sommes, la matrice de la civilisation française qui s’est abreuvée à trois sources : la mer Egée, le Tibre et le Jourdain. Athènes, Rome et Jérusalem ont nourri tout à la fois notre culture et notre imaginaire, notre philosophie et notre sensibilité, notre science et nos croyances. […] En fait il n’est nul besoin d’aller chercher très loin les raisons qui poussent Najat Vallaud-Belkacem dans son entreprise. Elles sont contenues en filigrane dans les idées déjà exprimées par son prédécesseur, Vincent Peillon, et partagées par beaucoup de socialistes doctrinaires. Pour eux la France ne commence qu’avec la République et la Révolution. Comme si les quinze siècles monarchiques imprégnés de christianisme n’avaient été qu’une période d’obscurantisme heureusement combattue par les Lumières.
On tremble un peu à la lecture de la prose de Vincent Peillon quand il ne craint pas d’écrire dans son ouvrage « La Révolution française n’est pas terminée » :

« La Révolution implique l’oubli total de ce qui précède la Révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches prérépublicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. »

Paris Match

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