L’ancien commissaire européen et directeur de l’OMC s’exprime sur les urgences auxquelles l’Europe est actuellement confrontée, de l’immigration massive aux éventuelles sorties de la Grande-Bretagne et de la Grèce de l’Europe et de l’euro. Il est Président d’honneur de l’Institut Notre Europe-Jacques Delors, un think-tank européen fondé en 1996 par Jacques Delors.
Face à la vague de migrants en Europe, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, vient d’annoncer la mise en place de quotas. Est-ce la solution ?
C’est un problème très difficile auquel il serait dangereux de laisser croire qu’il existe une réponse simple. La Commission s’inspire finalement, pour les réfugiés, qui ne sont pas tous les immigrants, de ce que font tous les pays qui ont une culture de l’immigration, États-Unis, Australie, Canada. Sauf que l’Europe n’a pas cette culture de l’immigration; historiquement, elle a plutôt été une zone d’émigration.
Mais les quotas Juncker portent sur une répartition des immigrants entre les 28 pays de l’Union pas vis-à-vis de l’extérieur…
Les deux choses sont liées, les quotas de réfugiés et leur répartition entre les différents pays européens. La proposition Juncker fait sens, à ceci près qu’elle va arranger les pays, comme l’Allemagne, l’Italie ou la Suède, qui actuellement accueillent plus de réfugiés que la moyenne, alors que d’autres États comme la France se trouvent dans la situation inverse et devraient en recevoir plus à l’avenir.
Les négociations s’annoncent difficiles, mais c’est une étape nécessaire dans ce basculement vers une culture de l’immigration, qui paraît inévitable, principalement pour des raisons démographiques. L’Union européenne va perdre près de 20 millions de personnes en âge de travailler dans les dix ans qui viennent.
En France, c’est sans doute plus difficile à admettre qu’ailleurs, en raison de notre population qui continue de progresser, à la différence de la plupart de nos voisins. Mais ce basculement dans une culture de quotas à l’immigration me paraît inévitable à échéance de dix ou vingt ans. […] Le Figaro