18/05/15
Le Supplément – Canal +
07/05/15
Visée par des attaques racistes, la ministre compare sa situation à celle de Roger Salengro, poussé au suicide en 1936 par une campagne de calomnies antisémites.
L’engagement de Christiane Taubira contre le racisme, c’est une histoire ancienne. Descendante d’esclaves, première femme noire à occuper un ministère régalien, la ministre est à l’origine de la loi Taubira du 21 mai 2001 sur la reconnaissance de l’esclavage. Sa bataille, la ministre de la justice a souhaité la raconter dans un ouvrage à paraître ce jeudi 7 mai chez Philippe Rey: L’esclavage raconté à ma fille. Dans un entretien à Paris Match, elle détaille à cette occasion son expérience du racisme ordinaire et la violence croissante des attaques qu’elle subit quotidiennement depuis son entrée au gouvernement.
Le racisme, Christiane Taubira l’a rencontré dès l’école à Cayenne et lors de ses études à Paris, confie-t-elle. «Mais c’est en 2005, après les émeutes en banlieues que je suis devenue noire. Sans arrêt, on m’invitait sur les plateaux de télévision pour parler des Noirs. Je ne savais pas quelles compétences particulières j’avais, je n’ai pas fait des études spéciales sur les Noirs (…) Le système médiatique m’a enfermée dans ma couleur», regrette l’élue de Guyanne. …
«C’est de plus en plus violent. Pour moi personnellement. Pour mes quatre enfants qui prennent ça en pleine figure, pour mes petits-enfants. Cette violence est incommensurable. Un journaliste a écrit que depuis Salengro, on n’avait jamais vu un personnage public attaqué avec une telle violence…
Elle-même visée au quotidien par des accusations de déloyauté en raison de parcours auprès des indépendantiste guyannais, traitée et comparée à plusieurs reprises à une guenon, Christiane Taubira a elle aussi cristallisé un rejet virulent d’une frange conservatrice de l’électorat. Lui sont reprochés notamment son engagement en faveur de la loi pour le Mariage pour tous et son projet de réforme pénale, jugé «laxiste». Un déferlement d’attaques face auquel la ministre éprise de poésie a appris à faire le dos rond: «Je vis! Et que les racistes le sachent, je vis et je vivrai. Et je tiendrai. Il me suffit qu’ils le sachent. Qu’ils multiplient leur violence par un million, je tiendrai encore. Par dix millions, je tiendrai encore.
Le monde n’est pas à eux. Les enfants qui me ressemblent ont toute légitimité au monde. Il faudra qu’ils s’y habituent. La lucidité les conduira à voir que les gens qui me ressemblent sont plus nombreux. Et qu’il vaut mieux ne pas trop défier ce monde-là», avertit la locataire de la place Vendôme.