La réforme du collège qui entrera en vigueur à la rentrée 2016 alimente de nombreux débats. Notamment en ce qui concerne l’histoire : des grands thèmes à étudier seront divisés en sous-thèmes, certains seront obligatoires et d’autres choisis par l’enseignant. Certaines périodes historiques risquent-elles de passer à la trappe ? Suzanne Citron, historienne, préfère parler d’un malentendu. Elle est l’auteur notamment du livre “Le Mythe national. L’histoire de France revisitée.”
Académiciens, gens de lettres, énarques de haut rang, de droite comme de gauche, sont trop souvent étrangers aux évolutions de l’histoire comme appréhension critique et toujours renouvelée du passé. Imprégnés d’une conception passéiste de l’histoire de France, ils ne se demandent pas si la fétichisation de “grands moments“ et de “grands personnages“ constitue un passé vraiment porteur de sens pour les enfants de la France d’aujourd’hui.
Trop souvent, la voix des historiens est couverte par celle des polémistes, cautionnée par les nationalismes les plus fermés aux réalités plurielles et mouvantes du siècle. D’où ces lamentations sur l’identité nationale qui serait compromise par l‘omission de telle séquence du récit traditionnel.
Face à l’évidente nécessité de refaçonner notre école à l’aune des transformations sociologiques, culturelles et technologiques du siècle, notre impuissance à la réforme relève-t-elle de la malédiction ou d’un éternel réflexe conservateur qui dresse les Français les uns contre les autres dans le déni de problèmes évidents et de constats communs ? […]
Onze historiens de renom dénonçaient pourtant dans une tribune du “Monde” en 2010 la conception d’une France étriquée et d’une histoire de France séparée des autres histoires, “alors que avec la mondialisation, des économies et des sociétés ne cessent d’être évoquées comme une contrainte pour l’ensemble des Etats-nations“.
Rappelant la nécessité d’un travail sur la notion d’Europe, ils soulignaient que l’histoire telle qu’elle s’écrit aujourd’hui est une “histoire des rencontres, des connexions, des métissages“ et que l’Etat-nation se légitimant par l’histoire est une vision historiquement et idéologiquement datée. […]
Le Nouvel Obs