Tribune de Béligh Nabli, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et de William Leday, maître de conférences à Sciences Po Paris sur la «dérive identitaire de gauche” face à l’islam.
Quelque part, pour paraphraser Olivier Roy, ces néo- conservateurs «nouvelle manière» sacrifient une culture de la laïcité à une supposée identité française.
Dans une récente tribune publiée dans Le Monde, Michael Walzer fustige « cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam ». Le texte est stimulant et mérite réflexion. Pour autant, on reste dubitatif devant le postulat de son analyse : qui s’interdit de critiquer l’islam aujourd’hui, y compris à gauche ? […]
L’obsession de l’islam et des musulmans n’est pas le fait de la seule extrême droite et autres «Républicains»… bleus Marine. Depuis les années 1990, une partie de la gauche s’applique dûment à cet exercice imposé de la vie politico- médiatique, émaillée par diverses polémiques politico-médiatiques. […]
Parmi les personnalités médiatiques de cet « islam obsessionnel », Alain Finkelkraut et Caroline Fourest symbolisent – chacun à leur manière – le spectre d’une dérive identitaire qui plane sur la gauche. Le premier, ancien maoïste, s’est progressivement enfermé dans une « identité malheureuse » qui l’amène aujourd’hui à se présenter comme un admirateur de l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, théoricien du «Grand Remplacement» du peuple français « de souche» – et de sa «civilisation» – par des populations musulmanes, même trois à quatre générations après leur arrivée, principalement venues du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. […]
Pour le New York Times daté du 1er mai, le masque est définitivement tombé : « il ne s’agit plus de protéger les croyances de chacun, mais d’imposer un style de vie défini comme laïc – et le plus souvent ce sont les nombreux musulmans du pays qui sont visés » ; « aucune religion ne menace sérieusement la laïcité en France aujourd’hui, et invoquer un principe aussi noble contre une jeune fille portant simplement une jupe ne fait que le dévoyer ». […]
La critique légitime de l’islam ne masque-t-elle pas plutôt une incapacité à lutter contre les racismes à la fois anti-Arabes et anti-noirs, et au-delà, une incapacité, devenue structurelle, à régler la question des inégalités ? N’est-ce pas ici l’un des messages et enjeux du « Grand rassemblement » du 11 janvier ?
Le Monde