Pouilly-en-Auxois, en Bourgogne, accueille depuis février une soixantaine de réfugiés de la Corne de l’Afrique. Les habitants se montrent hospitaliers, tandis que l’extrême droite dénonce un envahissement
(…) Le Ministère de l’intérieur a décidé de désengorger Calais, ville de long transit étouffée par la misère du monde, en dispersant les volontaires sur l’ensemble du territoire. Vingt départements ont été identifiés, dont la Côte-d’Or. «J’imagine qu’à Paris un haut fonctionnaire a posé le doigt sur une carte et a dit, en voyant que le bâtiment de la maréchaussée était vide: là, il y a de la place!» ironise Bernard Milloir, le maire sans étiquette de Pouilly-en-Auxois, homme jovial d’un optimisme à toute épreuve. «La sous-préfète m’a dit le 29 décembre que 80 migrants allaient arriver dans les deux mois! J’ai réuni le Conseil municipal et on a fait un rapide calcul, ils allaient représenter 5% de la population!» Peur sur le village? «Pas à ce point, mais de grosses inquiétudes, répond le maire. Les gens regardent la télé et ils savent qu’à Calais il y a souvent des heurts entre les ethnies ou les nationalités. Et puis il y a eu le 7 janvier et Charlie, les amalgames entre islam et terrorisme. Alors ces gens-là dans notre campagne…»
Le journal local Le Bien Public a vent de l’histoire et annonce dès janvier l’ouverture d’un centre d’accueil provisoire à Pouilly-en-Auxois. «Mais l’article était ainsi rédigé qu’il laissait entendre que le djihad arrivait chez nous», peste l’édile. Le site d’extrême droite Fdesouche reprend l’information et dénonce le convoyage des migrants de Calais en Bourgogne «aux frais du contribuable». Conséquences: début d’incendie criminel dans l’ancienne gendarmerie, menaces de mort par lettres, e-mails et téléphones à l’encontre de Bernard Milloir.
De tels agissements n’avaient jamais été observés dans le canton. Le maire sait parfaitement que ces intimidations sont extérieures au village. Il tente néanmoins de désamorcer la crise naissante en réunissant ses administrés avec le soutien des services de l’Etat. Il explique que ces jeunes hommes sont là temporairement, qu’ils souhaitent obtenir l’asile en France et se sont engagés à respecter les lois de la République. La sous-préfète insiste sur le fait qu’ils ne sont pas des délinquants mais des êtres humains éduqués, qui ont quitté travail et famille pour leur sécurité.
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