Extraits d’un texte intitulé “Pour un antiracisme politique” signé par un collectif réunissant “des universitaires, des associatifs, des intellectuels et des militants antiracistes”.
Les intellectuels, les politiques et les journalistes communient dans l’antiracisme ; pourtant, ils sont presque uniformément blancs. Le racisme se mesure moins aux intentions supposées de ceux qui s’en défendent d’ailleurs, mais davantage aux conséquences avérées pour ceux qui le subissent.
Et, ce combat sera mené aussi avec nous toutes et tous qui rejetons ce fantasme politique cauchemardesque d’une France blanche. Il est grand temps, mais il est encore temps de répondre à la racialisation par la politisation.
Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly auraient-ils gagné, à titre posthume, la bataille des idées ? […]
Ce qui menace la démocratie, c’est ce qui défait la société française. Ce n’est pas la (ni une) religion ; c’est le racisme, qui désigne comme des «autres» racisés certains d’entre nous – immigrés d’Afrique ou Roms d’Europe, et aussi Français, héritiers de l’esclavage, de la colonisation et de l’immigration, Noirs d’apparence ou Maghrébins d’origine.
Quand on brandit la laïcité, c’est rarement pour dénoncer le financement public d’écoles catholiques, le Concordat en Alsace-Moselle ou les pressions des évêques contre le mariage pour tous. D’ordinaire, c’est pour s’inquiéter de l’islam. Or, ce qui devrait nous alarmer, c’est l’islamophobie. Cessons de tourner autour du mot, et regardons la chose. Dans un pays où l’ancien président a pu nommer un «préfet musulman» et parler de «Français d’apparence musulmane», il s’agit moins de religion que d’une racialisation euphémisée. Marine Le Pen l’a parfaitement compris : son père s’attaquait aux Arabes ; elle s’en prend à l’islam. Sous l’antijudaïsme, nous savons bien reconnaître l’antisémitisme, qui vise les juifs – indépendamment de leur religion. Il en va de même pour l’islam : pas besoin d’être musulman pour être victime d’islamophobie, voire pour finir par s’identifier comme tel, bon gré mal gré. […]
Premiers signataires :Farid Bennaï Travailleur social, coordinateur du forum Reprenons l’initiative contre les politiques de racialisation Saïd Bouamama Sociologue, porte-parole du Front uni des immigrations et des quartiers populaires Christine Delphy Sociologue, directrice de recherches émérite au CNRS Rokhaya Diallo Journaliste et auteure Fatou Diome Ecrivaine Eric Fassin Sociologue, professeur à l’université Paris-VIII Nacira Guénif Sociologue, professeure à l’université Paris-VIII Serge Guichard Membre fondateur de l’Association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines roms (Asefrr) Almamy Kanouté Educateur spécialisé, association Rezus Laurent Lévy Essayiste et militant politique Saimir Mile Président de la Voix des Rroms Marilyne Poulain Syndicaliste CGT-immigration Isabelle Saint-Saëns Membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) Michèle Sibony Union juive française pour la paix (UJFP) Louis-Georges Tin Président du Cran…
Libération