Fdesouche

Tribune de Caroline Tahhan professeur d’arabe à Goussainville (Val-d’Oise) défendant le maintien des classes bilangues anglais-arabe.

Les «quartiers» sont autant de viviers linguistiques qui ne demandent qu’à être mis en avant, un enjeu fondamental dans la France d’aujourd’hui.

Les classes dites «bilangues» permettent, à certains élèves, de commencer simultanément deux langues vivantes dès la sixième. La réforme entend les supprimer, au nom de l’égalité des chances : celles-ci favoriseraient les contournements de la carte scolaire, et donneraient lieu à des classes élitistes. Mais, si cet argument semble compréhensible dans le cas de classes anglais-allemand, il est très éloigné de mon expérience de professeure d’arabe en bilangue. Mon travail consiste au contraire bien souvent à convaincre les parents que leur enfant, en apprenant l’arabe en même temps que l’anglais, n’intégrera pas une classe «ghetto», et ne sera pas stigmatisé.
Le fait que plusieurs dizaines de milliers d’enfants étudient l’arabe dans des associations devrait nous interpeller. Car la «demande» est là. Le problème est que l’on choisit de cantonner la langue arabe à la sphère privée. T=L’arabe est perçue comme une langue clivante, voire discriminante, toujours associée à la religion, et l’étudier ferait donc obstacle à l’intégration républicaine. T=

Je le vois partout lorsque je fais la promotion de ma discipline auprès des écoles primaires : on me fait comprendre qu’apprendre l’arabe, c’est refuser un peu de la France, c’est se concentrer sur son origine, au détriment de l’assimilation.

[…] Les élèves découvrent que le monde arabe est peuplé de sunnites, de chiites, de chrétiens, de juifs, d’agnostiques et d’athées. Ils comprennent que souvent on y parle l’arabe et aussi une autre langue, et qu’«être arabe» est avant tout une réalité linguistique, et que dans le monde arabe les identités se superposent, s’entremêlent. Ils découvrent Volubilis, Carthage, Pétra, Palmyre et la Mésopotamie, ils étudient des vers de poésie antéislamique, voient comment les civilisations se sont succédé, et évacuent l’idée d’une identité «pure» et exclusive.
En condamnant l’enseignement de l’arabe au collège, on les prive de cette vision riche, et on laisse le champ libre à des organisations souvent religieuses, au risque de confondre étude de l’arabe et étude de l’islam.

Refuser aux enfants, issus de l’immigration arabe, l’accès à cette culture au sein de l’école de la République, sous prétexte qu’elle correspond à leurs origines, c’est penser que le renforcement d’une culture sur le monde arabe empêcherait de faire place à une culture du «pays d’accueil» – qui est bien souvent le pays de naissance, parfois depuis plusieurs générations – et c’est imaginer qu’une culture doit nécessairement se substituer à une autre.

Or, la culture fertilise l’esprit : elle lui permet d’accueillir toujours plus de savoirs, de nuances, quand ce sont les préjugés qui s’excluent.
Enfin, et de manière tout à fait pragmatique, l’arabe est une langue prisée sur le marché du travail […] Libération

Fdesouche sur les réseaux sociaux