Demain, à l’occasion de la cérémonie qui aura lieu au Panthéon, des femmes et des hommes qui ont lutté pour que vivent les valeurs de la République seront célébrés pour qu’on ne les oublie pas. Malgré cela, nous regrettons qu’en dehors de ces moments exceptionnels, le service public audiovisuel n’ait pas compris le rôle fondamental de l’Histoire et de la mémoire.
C’est à ce sujet que nous voulons attirer votre attention sur les contenus des programmes proposés par France Télévisions dédiés à l’Histoire et particulièrement l’émission « Secrets d’Histoire » diffusés sur France 2 qui rencontre depuis sept ans un succès d’audience grandissant. […] Il va de soi pour nous que ce n’est pas aux responsables politiques de définir les contenus des programmes proposés par France Télévisions. Mais en revanche, nous croyons utile, que comme tout citoyen, nous fassions entendre notre opinion. […] C’est donc sur l’émission mensuelle « Secrets d’Histoire » que nous souhaitons vous alerter. Elle est emblématique d’une tendance générale que l’on retrouve dans d’autres programmes de France Télévisions à vocation historique. Dans le dernier épisode du mardi 19 mai, consacrée à « Louis XVI, l’inconnu de Versailles », Louis Capet y est décrit sans nuances comme « un brave homme » aimant son peuple. On y présente sans pudeur tous les détails de sa vie intime et même les petites anomalies de ses organes génitaux. L’intérêt historique de ces anecdotes anatomiques est pourtant bien mince, vous en conviendrez. Par contre, il est «omis» de rappeler quelques moments plus sombres de son règne et s’ils sont évoqués de façon fugaces c’est pour être fortement minimisés. C’est le cas pour son action et sa correspondance afin de provoquer l’intervention militaire des puissances monarchiques contre la Révolution, activités qui sont au centre des accusations de trahison portées contre lui lors de son procès. […] Nos critiques portent sur les contenus idéologiques de ces émissions et le choix très orientés des sujets. […] Depuis 2008, France 2 a diffusé 88 épisodes différents de « Secrets d’Histoire ». Sur ces 88 opus, plus de 60% sont consacrés exclusivement à des monarques et leurs favorites. Sur les moins de 40 % restant, dont l’essentiel est consacré à des artistes (écrivains et peintres), ou des personnages folkloriques et très secondaires de l’histoire universelle (Mata Hari, le chevalier d’Eon, Robin des Bois, la bête de Gevaudan, etc.) seulement 5 émissions, soit 6% ( !) de la totalité, ont été consacrée à des personnalités ou des lieux liés à la République. En voici la liste précise et exhaustive : le Général de Gaulle, Georges Clemenceau, Georges Danton, la journée du 14 juillet 1789 et le Palais de l’Elysée. C’est tout. C’est peu.
Sur l’ensemble de ces 88 émissions, seulement un tiers est consacré à des femmes qui ne sont souvent présentées qu’à titre de « femme de… » ou « favorite d’untel.. ». C’est une présentation pour le moins limitée de la place des femmes dans l’Histoire.
De plus il est navrant de constater qu’aucune des ces femmes ou hommes racontés dans ces « Secrets d’Histoire » n’a par exemple la peau noire ou est originaire des Caraïbes, d’Afrique du nord ou sub-saharienne hormis deux épisodes consacrés au roi et reine d’Egypte Toutankhamon et Cléopâtre ! Toussaint Louverture, Félix Eboué, Frantz Fanon ou combien d’autres, le choix ne manque pourtant pas dans notre histoire nationale.
Alors que deux épisodes sont consacrés à la vie de Jésus et quelques autres à des sujets religieux (notamment le Vatican) aucun ne présentent le moindre philosophe des Lumières où ne s’intéresse à une seule figure du combat pour l’émancipation laïque. Pourquoi passer sous silence les destins de Denis Diderot, Jean-Jacques Rousseau ou Voltaire qui donnent pourtant leurs noms à tant de rues, boulevards et écoles publiques ? […] Il nous semble qu’il est plus que temps que la direction de France Télévisions fasse un rappel à l’ordre aux producteurs et concepteurs de ces émissions. Nous aimerions savoir pourquoi les choix idéologiques qui dominent ces programmes sont toujours ceux de la sous-valorisation des principes républicains et laïques ? […]”