Little Sénégal, le « Petit Sénégal » : deux ou trois blocs à peine, un microcosme, coincé sur la 116e rue ouest, entre la 5e et la 8e avenue. Ici, au cœur d’Harlem, la frontière nord de New York est encore loin mais déjà flotte comme un air de départ, une invitation au voyage. […]
Des femmes en boubous moulants, des hommes à chapeau de guinguette avancent à grand pas sur le trottoir inégal, portable vissé à l’oreille. Dans la rue, dans les commerces de briques rouges, on blague en wolof, on se salue en arabe – « Salam Aleykum » – on commande en français, on se hug en anglais. […]
Aujourd’hui, 20 000 Sénégalais vivraient à New York (d’autres disent 12000, certain 25000, le chiffre est incertain). […]
Le drapeau sénégalais barre l’horizon de rouge, de vert et d’or. Accroché à un échafaudage, il annonce les bureaux de l’Association des Sénégalais d’Amérique (ASA). Ses 4 000 membres et ses presque trente ans d’expérience (elle est née en 1988) en font l’une des plus grandes associations d’immigrés africains au monde. « Même en France il n’y a pas d’équivalent », insiste Dame Sy, secrétaire général de l’association. […]
L’association est riche : ses adhérents s’acquittent de 10 dollars de cotisation par mois, soit un budget mensuel de plus de 300 000 euros, sans compter les aides du gouvernement sénégalais. En échange, l’ASA « aide les Sénégalais qui arrivent ici à trouver un logement, leur donne des conseils pour les papiers d’immigration, le permis de travail », explique Dame Sy. L’association fonctionne aussi comme une mutuelle, finançant les grosses dépenses de santé de ses membres et leurs funérailles. […]
A Little Sénégal, les mosquées sont pleines à craquer, fréquentées par les Sénégalais, mais aussi par les Afro-Américains. Sur la 116e rue, les boutiques de boubous proposent aussi des voiles islamiques colorés. L’heure venue, un club de karaté se reconvertit en salle de prière. Les commerces ont leur petite caissette en carton, où le client peut glisser quelques billets verts, à destination du Centre culturel Islamique d’Harlem. […]
L’heure du déjeuner approche. Dans les cuisines des restaurants, la friture est reine, la farine fufu se mêle aux cubes Maggi, aux ingrédients du thieray, le couscous sénégalais, et au poivre noir du Cameroun. […]
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