Chacun à leur tour, ils racontent, intensément, quelque trente ans de lutte antiterroriste en Israël et de gestion désastreuse de la question palestinienne. Un flot d’aveux précis, circonstanciés, d’une remarquable liberté et d’une sidérante acuité. Six anciens chefs du Shin Beth, l’équivalent israélien du FBI, expliquent comment, depuis la guerre des Six Jours en 1967, dont la victoire vaut à l’État hébreu d’occuper Gaza et la Cisjordanie et de faire face à un million de Palestiniens, les responsables politiques n’ont jamais vraiment cherché à construire la paix.
Une succession d’erreurs qu’inaugurent les mots d’arabe approximatif que de jeunes réservistes adressent aux populations des nouveaux territoires occupés, leur annonçant qu’ils viennent les “castrer”, au lieu de les “recenser”.
Peuple oublié
Bavures, tortures, méthodes iniques de renseignements et de recrutement d’indicateurs amplifiant la haine de l’occupé… : ils disent surtout l’absence glaçante de vision stratégique ; la résistance et l’hostilité des Palestiniens oubliés explosant avec la première Intifada ; le laxisme face à l’extrémisme juif qui anéantira, avec l’assassinat de Yitzhak Rabin, la seule réelle lueur de paix.
“On a gagné toutes les batailles, mais on a perdu la guerre“, lâche Ami Ayalon, à la tête du service de 1996 à 2000, quand Avraham Shalom, le plus ancien d’entre eux, compare l’armée d’occupation à celle de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.
“Quand vous quittez le Shin Beth, vous devenez gauchiste…“, conclut avec ironie Yaakov Péri (1988-1994). Nourri par de formidables archives et un travail visuel sophistiqué à partir de photos, ce réquisitoire exceptionnel, sorti en salles pendant la campagne des législatives, fit l’effet d’une bombe en Israël.
Les confessions de six anciens chefs du Shin Beth, le Service de la sécurité intérieure d’Israël. Un documentaire exceptionnel, nominé aux Oscars, qui éclaire trente ans de lutte antiterroriste et d’errements face à la question palestinienne.