Qu’est-ce que l’identité française ? Il y a trois types de réponse à cette question, selon le sociologue Pierre-André Taguieff. Et aucune ne le satisfait…
Une troisième catégorie d’intellectuels est repérable dans les milieux militants de gauche et d’extrême gauche en quête d’une “nouvelle France”, d’une France future, refondue, améliorée, sans frontières fixes ni “Français de souche”, qu’ils imaginent comme devant se fondre dans un tout d’ordre supérieur (de l’Europe à la planète).
Périodiquement, lorsqu’on redécouvre que l’identité française a perdu sa valeur d’évidence, on se met à en parler abondamment. […]
Être français, c’est d’abord se percevoir comme tel, ensuite être perçu comme tel. En novembre 1956, après avoir rendu visite à Céline, Armin Mohler [écrivain suisse] rapporte cette réaction de l’écrivain-pamphlétaire: “Les Français ? mais ils n’existent plus! Je suis le dernier Français.” Pour Céline, les Français, à quelques exceptions (dont lui-même), étaient devenus des “afro-asiates”, ils avaient donc changé de nature par l’effet de métissages successifs. Cette réponse, que bien des Français affligés d’aujourd’hui sont tentés de réitérer, présuppose une certaine idée de ce que c’est que d’être français. Une idée normative, qui en général reste floue. Ou simplement dissimulée. […]
De l’identité française, les intellectualistes arrogants, les gauchistes intellectualisés et les professionnels de la “pensée critique” ou de la “déconstruction” sans fin annoncent triomphalement qu’elle n’existe pas, qu’elle n’est qu’une “construction” douteuse ou une fiction trompeuse, et par là dangereuse, voire haïssable. […] S’interroger sur l’identité française, ce serait se risquer sur la pente glissante qui mène au pire, c’est-à-dire au nationalisme, donc à la xénophobie, et ce, jusqu’au racisme. Point d’identité française en effet sans référence au national et au sentiment national. […]
D’autres intellectuels (de gauche ou de droite), qui se veulent “patriotes” et “républicains”, s’emploient naïvement à célébrer ladite “identité française” en sélectionnant ses traits positifs les plus remarquables, censés représenter autant d'”apports”, aussi précieux qu’indispensables, à “la civilisation universelle”, en référence aux Lumières ou à la Révolution française. […]
[…] Chacun peut faire l’expérience que permet un voyage un peu prolongé à l’étranger ou un exil provisoire: notre identité, ce je-ne-sais-quoi qui va de soi, se transforme en objet de nostalgie qui gagne en netteté et distinction. Le détour donne un équivalent de définition positive à l’identité collective, sur le mode de l’imaginé et du ressenti. Disons simplement qu’une identité collective, ethnique, culturelle ou nationale, est à la fois existante et ineffable. On pourrait s’en tenir là, et cesser les bavardages pour ou contre.Leur réponse est attendue: être français, c’est être républicain, c’est-à-dire accepter inconditionnellement et avec l’enthousiasme requis les abstractions sublimes de la devise républicaine.