Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, est “atterré” après le nouveau drame qui a touché la France.
On veut déstabiliser la communauté musulmane pour déstabiliser la France.
Au moment où nous y sommes parvenus, où les relations entre la société musulmane et la société française se normalisent, nous sommes frappés par ce terrorisme aveugle.
Quelle était l’atmosphère à la mosquée ?
Vendredi, nous attendions le ministre de l’Intérieur et le préfet du Rhône, qui devaient rompre le jeûne avec nous. Bien sûr, ils n’ont pas pu être là. Tous les autres invités sont venus, dont le cardinal Barbarin. Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre.
Nous avions invité Bernard Cazeneuve à fêter la création d’un centre culturel à Lyon pour mieux faire connaître notre culture aux musulmans et aux non-musulmans. Cela fait trente ans que je me bats pour l’ouverture de cette structure. Nous avons dû batailler pour faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une entorse aux principes de laïcité…
Une normalisation des relations ? Un vœu pieux ?
Paradoxalement, je pense que nous allons vers plus de compréhension, vers l’idée que l’islam est partie intégrante de la société française. La question terroriste dépasse largement le cadre de la communauté musulmane. Ces jeunes sont nés en France, ils ont grandi ici, ont fréquenté les écoles françaises. Pourquoi deviennent-ils les proies d’une entreprise terroriste?
Certains redoutent un double discours dans la communauté musulmane, qui condamnerait les actes terroristes mais s’accommoderait de l’intégrisme.
Je n’ai jamais pratiqué le double discours, et les musulmans que je connais non plus. Mais c’est vrai qu’ils ont de plus en plus de mal avec l’idée de devoir s’excuser d’être musulmans. Les actes qui ont été perpétrés en Tunisie et dans l’Isère l’ont été pendant le ramadan. C’est une période de concorde et de grande piété. […]
Yassine Salhi avait un père algérien, comme les frères Kouachi, comme Merah… Y a-t-il un malaise particulier chez les Français d’origine algérienne ?
Je crois que les terroristes ciblent des personnalités fragiles. Le sujet est mondial, il concerne des Marocains, des Tunisiens, des Français, convertis ou non. En revanche, je pense qu’il y a dans l’histoire de la colonisation, de la guerre d’Algérie, de l’immigration, les gènes d’un malaise qui touche particulièrement ces jeunes. Et c’est ce malaise qui est manipulé et exploité…