«Caput, capitis», la tête, c’est le substantif à partir duquel le latin en a formé un autre: «capital», peine capitale. Depuis l’Antiquité, la décapitation est la mise à mort par excellence. Couper la tête d’un être humain a toujours revêtu une signification très particulière.[…]
Décapiter pour nier l’humanité de son adversaire
Cette vision d’une humanité résidant tout entière ou presque dans la tête, qui surmonte le corps et s’affirme comme le siège de la raison, est au centre de certaines philosophies. La pensée d’Emmanuel Lévinas a vu dans le concept de «Visage » l’irruption indéniable de l’obligation éthique au sein du Moi.[…]
Entre trophée du guerrier et derniers honneurs
La décapitation à la hache, au couteau, à l’épée, est avant tout une affaire de soldats. Elle est la concrétisation d’un triomphe sur l’ennemi vaincu, sur lequel on prélève un trophée et qu’on humilie une dernière fois par la même occasion. Si cette dimension n’est pas réservée aux hordes de l’Antiquité (les armées de Tamerlan en feront un usage immodéré au XIVe siècle, si on en croit la légende noire du chef de guerre turco-mongol), la décapitation post-victoire reste leur spécialité.
Dans son imposante Géographie, le géographe Strabon, grec de culture latine du Ier siècle, s’effraie à l’époque des mœurs martiales dont faisaient montre certaines tribus gauloises, peu avant leur conquête par les Romains:
«Avec leurs habitudes de légèreté, ils ont cependant certaines coutumes qui dénotent quelque chose de féroce et de sauvage dans leur caractère, mais qui se retrouvent, il faut le dire, chez la plupart des nations du Nord. Celle-ci est du nombre: au sortir du combat, ils suspendent au cou de leurs chevaux les têtes des ennemis qu’ils ont tués et les rapportent avec eux pour les clouer, comme autant de trophées, aux portes de leurs maisons.»