Plaidoyer de Michel Agier, anthropologue, et François Gemenne, politologue, en faveur de l’immigration.
Michel Agier est directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour leDéveloppement et directeur d’études à l’EHESS. Il a publié, aux Editions La Découverte, «la Condition cosmopolite» (2013) et «Un monde de camps» (sous sa direction, 2014). François Gemenne est enseignant aux universités de Liège et de Versailles-Saint-Quentin, directeur exécutif du programme Politiques de la Terre à Sciences-Po. Il va publier, en 2016, «Vive l’immigration», aux Editions La Découverte.
Le décompte macabre continue chaque jour. Et les survivants sont bloqués aux frontières externes mais aussi internes de l’Europe (comme ces derniers jours entre l’Italie et la France), multipliant les situations de mise à l’écart, de violence et d’humiliation. Cela au nom d’une raison d’Etats européens qui disent répondre aux peurs et aux demandes des habitants pour plus de sécurité, de contention et d’imperméabilité. […] Au contraire : c’est l’ouverture des frontières qui permettrait enfin de sortir d’un engrenage de violences qui a déjà fait des milliers de morts parmi les migrants, et de dessiner un horizon pour un véritable projet politique européen en matière d’asile et d’immigration.
1. Parce que fermer les frontières ne sert à rien
[…]Notre premier argument est de bon sens. Le fait migratoire est un fait social, une réalité du monde contemporain, auquel il est absurde de vouloir résister.
2. Pour lutter contre les passeurs
Ouvrir les frontières, légaliser les mobilités de tous, c’est tuer dans l’oeuf le business de ceux qui ont fait profession du trafic de cargaisons humaines […].
3. Parce que l’invasion annoncée est un fantasme
Aucune enquête n’a prouvé la véracité des «appels d’air» ou des «invasions» tant annoncés et fantasmés. […]
4. Pour permettre aux migrants de rentrer au pays
Argument paradoxal, et pourtant : ouvrir la frontière, c’est certes laisser entrer le migrant, mais c’est aussi lui permettre de repartir sans inquiétude. […]
5. Parce que les migrants pourront déployer tout leur potentiel économique
Toutes les études montrent que la contribution économique des migrants à leur pays de destination est d’autant plus positive que leur situation y est sûre et légale. […]
6. Pour permettre un progrès social
L’embauche des travailleurs étrangers en situation irrégulière dans les pays riches est un «dumping social», l’équivalent d’une «délocalisation sur place»: les pires conditions sociales sont imposées à des travailleurs sans droits. La légalisation des migrants leur donnerait accès aux mêmes droits et aux mêmes rémunérations que les autres salariés.
7. Parce que la liberté de circulation est un droit fondamental […]