Les professionnels de la lutte contre l’islam radical voient apparaître des profils moins faciles à repérer: entre fragilité psychologique et crise identitaire. Yassin Sahli, accusé du meutre de son patron et de l’attentat contre l’usine de Saint-Quentin-Fallavier, semble en faire partie. […]
Ce profil d’auteurs d’actes de violence, mêlant fragilité psychologique et revendication identitaire, les policiers spécialisés le rencontrent de plus en plus souvent. […] nous voyons émerger des personnalités atypiques, parfois à la limite de la psychiatrie.”
Il pense alors notamment à Mehdi Nemmouche, arrêté le 30 mai 2014 à Marseille, et suspecté d’avoir tué quatre personnes au Musée juif de Bruxelles, six jours plus tôt. Lors d’un séjour en Syrie, il aurait été le gardien et le tortionnaire sadique d’otages occidentaux.
La liste des individus “borderline” ne s’arrête pas là. Le 20 décembre 2014 à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), un homme de 20 ans poignarde trois policiers au cri d'”Allah akbar!”, avant d’être tué. Daech revendique l’agression; sans que l’on sache trop si l’organisation agit ainsi par opportunisme. Le lendemain, à Dijon (Côte-d’Or), un conducteur de 40 ans lance sa voiture sur la foule (dix blessés). Il affirme avoir agi au nom du djihad. En réalité, il a séjourné à 157 reprises dans une unité psychiatrique depuis 2001; la dernière fois, un mois auparavant.
Le 3 février, à Nice, trois militaires sont pris pour cibles alors qu’ils surveillent les abords d’un centre communautaire juif, par un trentenaire armé d’un couteau, Moussa Coulibaly. […]
Quant à Sid Ahmed Ghlam, il tue, le 19 avril, une jeune automobiliste à Villejuif, mais échoue à commettre un attentat contre une église, l’objectif qui lui avait été assigné depuis la Syrie.
Expert psychiatre de renom, Daniel Zagury a eu à traiter plusieurs cas de ce genre. Il redoute même d’en voir “de plus en plus”. “Le passage à l’acte de malades mentaux sous l’égide de l’islam radical est très rare, même si vous pouvez avoir un psychotique qui s’identifie à la thématique islamiste, parce que c’est dans l’air du temps, explique-t-il. Mais se développe tout un entre-deux de gens qui ne sont pas malades. Disons plutôt qu’ils sont fragiles psychologiquement, en proie à un malaise identitaire. Ce qui peut favoriser un passage à l’acte. Ils sont d’autant plus dangereux qu’ils sont moins repérables par les services de renseignement. A ce titre, Yassin Salhi est un bon exemple. Il frappe par un crime spectaculaire, alors qu’il a l’air intégré.”
Ce type de profil peut d’autant plus céder à la propagande des groupes les plus radicaux. Car Daech ne se contente pas de diffuser des images d’exécutions sur Internet: il adresse aussi des messages d’encouragement à l’action. En septembre 2014, le porte-parole de l’organisation appelle à tuer “en particulier les méchants et sales Français” […]
Selon une source du renseignement, “certains, comme Aqpa [Al-Qaïda dans la péninsule Arabique] font même comprendre aux volontaires qu’ils seront plus efficaces en agissant chez eux, au nom de la cause, mais de manière solitaire”. […]