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Tribune d’Abdel-Illah Salhi, journaliste et écrivain né au Maroc, dans libération : “Moi aussi je m’appelle Salhi”.

Vendredi dernier, je sirotais tranquillement un verre dans un café du XIIIe arrondissement quand la nouvelle de l’attaque contre l’usine de Saint-Quentin Fallavier en Isère est tombée. Je m’en foutais un peu à vrai dire et j’en avais marre de suivre l’actualité du terrorisme, surtout pendant une journée de repos aussi ensoleillée. Je suis resté bouche bée quand j’ai vu le nom du présumé terroriste écrit en majuscule en bas de l’écran : Yassine SALHI. La belle journée ensoleillée devient soudain cauchemardesque. […]

Il est peut-être temps de conjuguer autrement la fameuse théorie du «grand remplacement», chère à Renaud Camus, à Éric Zemmour et à la famille Le Pen.

La figure de l’islamiste fou, prêt à tout faire sauter, semble avoir remplacé celle de l’immigré maghrébin d’antan, pacifique et invisible, qui ne demandait qu’à travailler et subvenir aux besoins de sa famille.

Entre-temps une subtile fusion qui arrange nombre de politiciens a été trouvée entre le jeune délinquant, fils d’immigré, et le djihadiste assoiffé de sang et de têtes à décapiter. Or nous le savons bien, tout le monde le sait, le «nouveau terroriste» c’est 90 pour cent de frustrations personnelles et 10 pour cent d’un islam mal compris. Et nous sommes tous effrayés par le nombre potentiel d’illuminés qui peuvent surgir à tout moment pour répandre la terreur dans nos quartiers et nos villes. […]

Nous apprenons par exemple que dorénavant, nos cartes d’identités ne prouvent en rien notre citoyenneté ni notre attachement aux valeurs de la République. Nous entendons cela de la bouche d’Énarques de tous bords, comme de la bouche d’un ivrogne tardif au bar du coin.

[…] Dans une ambiance de suspicion générale, telle que celle que subit aujourd’hui n’importe quel basané, n’importe quel «Méditerranéen» portant un nom à consonance arabo-musulmane, il est difficile, voire impossible, de tenter de «devenir imperceptible» ou invisible comme le disait Gilles Deleuze car même à défaut de nom, la peau, elle, sera toujours là pour nous trahir. En attendant d’être invisibles, nous voilà donc obligés d’être dociles et silencieux et de guetter quand le vent tournera, mais cela prendra malheureusement beaucoup de temps. Hélas, c’est un «hiver arabe» qui s’annonce pour les musulmans d’Europe. Et il sera gris. Et il sera long. Et il sera dur.

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