Reportage de Marie Desplechin, écrivain, sur le lycée Hector-Guimard, dans le XIXe arrondissement de Paris qui compte 70 élèves clandestins (35 mineurs et 35 majeurs) sur 600.
L’année qui s’achève aura été rude. Au lycée Hector-Guimard, dans le XIXe arrondissement de Paris, on a créé un collectif, menacé d’occuper un gymnase, été manifester devant l’Hôtel de Ville, tendu des banderoles. On a organisé des parrainages à la mairie d’arrondissement et des petits déjeuners au lycée, prolongé l’ouverture des salles d’études, posé des matelas au sol de l’internat, distribué des trousses de toilette.
On a connu la bonne intelligence du rectorat, la mauvaise volonté de la préfecture et l’attentisme de la Ville.
On a convoqué la presse, constitué des dossiers, mobilisé des avocats. Tout ce que, dans son livre La Démocratie protestataire (Presses de Sciences Po), le sociologue Lilian Mathieu appelle « un bricolage, avec ses petites inventivités », caractéristique du Réseau éducation sans frontières (RESF) et plus largement de nouvelles formes de contestation sociale, nées dans les quinze dernières années. Mouvements sans parti ni adhérents, agrégeant des sensibilités différentes autour d’une cause, ils semblent redessiner les modèles de l’engagement, à bonne distance du militantisme traditionnel de parti et de syndicat dont ils signeraient l’épuisement.
Hector-Guimard accueille 600 élèves. Spécialisé dans les métiers du bâtiment, c’est le plus grand lycée professionnel de Paris. C’est aussi l’établissement qui compte le plus grand nombre d’élèves sans papiers. Soixante-dix cette année, trente-cinq mineurs et trente-cinq majeurs ou soupçonnés de l’être. […]