Pour Marc Mézard, physicien et directeur de l’École normale supérieure, il faut changer de perspective et envisager favorablement les arrivées massives de clandestins. Extraits de sa tribune intitulée : “Non, les migrants ne sont pas un fardeau !”
L’arrivée massive de migrants s’impose comme l’une des questions majeures dans l’Europe des années à venir. Les journaux s’affolent, les compteurs explosent, les bureaux d’études s’inquiètent : cette année, le nombre de migrants traversant la Méditerranée pour rejoindre l’Europe pourrait même atteindre le chiffre de 100 000. Cent mille personnes qui arrivent sur un territoire peuplé de 500 millions d’habitants… Et ce serait un problème que d’accueillir une personne pour 5000 habitants, dans l’Europe d’aujourd’hui ?
Si nous percevons cette question comme un problème, c’est parce que nous sommes aveuglés par les thèses des partis d’extrême droite. Depuis plusieurs décennies, ils ont réussi à instiller dans tous les esprits – y compris hélas dans ceux des hommes politiques de tous bords aveuglés par l’enjeu de court terme de la prochaine élection – une vision faussée des migrants, nourrie par la peur.
Les terres d’immigration sont bien souvent des terres d’avenir – que l’on songe à la Californie.
Non, les migrants ne viennent pas nous envahir, ni manger notre pain, ni prendre notre travail, ni piller nos ressources. […]
De plus, à l’instar des précédentes générations de migrants qui ont enrichi notre pays au cours des siècles précédents, ils représentent, pour l’Europe de 2050, un immense potentiel d’idées, de volontés, d’énergies et de ressources.
Est-il besoin de rappeler le nom de tous ces immigrés qui ont construit la France d’aujourd’hui et dont la liste prendrait des volumes ?
On y trouve des scientifiques comme Marie Curie, Georges Charpak, Alexandre Grothendieck, des écrivains tels que Samuel Beckett ou Milan Kundera, des artistes comme Pablo Picasso ou Marc Chagall, sans parler des chefs d’industrie, des sportifs, des hommes politiques, et tous ceux qui, sans faire la une des journaux, ont su créer leur propre territoire d’insertion. […]
C’est en éliminant cette vision faussée sur l’immigration – tel un poison qui a pénétré à notre insu au cœur des pays européens – que nous ouvrirons un futur à nos sociétés. Ainsi peut-être parviendrons-nous alors à leur donner à nouveau un sens et redeviendrons-nous également un peu plus humains. Il y a urgence.