Le ressentiment à l’endroit de la France fait partie de l’identité camerounaise. Pendant longtemps – entre 1960 et la fin des années 1980 -le sentiment anti-français a été porté par une minorité éduquée et politisée. Il reposait soit sur une fine connaissance de l’Histoire, soit sur les souvenirs d’une expérience coloniale traumatisante. Le reste de la population éprouvait un sentiment mitigé à l’endroit de l’Hexagone : une certaine attirance (les visas !) couplée à une certaine défiance (cette arrogance française !).
Avec le temps, cette amertume n’a pas disparu mais s’est progressivement logée dans l’inconscient collectif des Camerounais, d’autant plus facilement que la situation économique de la population se détériorait. Dans les années 1990, le souci de se nourrir, de se soigner, de financer l’éducation des enfants (en France si possible) précédait la francophobie. Les choses ont évolué aujourd’hui. Le Cameroun s’est considérablement rajeuni. La mondialisation a accouché d’un monde nouveau. Et en dépit (peut-être à la faveur) des restrictions françaises au voyage, de nombreux Camerounais parcourent le monde. Ils reviennent décomplexés. Et exigeants. Hier l’Hexagone était la destination obligée de la progéniture des camerounais aisés. Aujourd’hui le Canada ou les Etats-Unis séduisent davantage. La France est progressivement ringardisée.
En surface, le sentiment antifrançais actuel ressemble à l’ancien. Obsessionnel et revanchard – comme l’ancien -, certes porté par une minorité nettement moins éduquée et responsable que l’ancienne. En réalité cette minorité active cache une majorité silencieuse mais fortement contrariée. Cette majorité est hétéroclite socialement mais unie dans une paisible francophobie.(…)
Merci à Lilib