Le 18 juin dernier, le Sénat a ajouté à la loi française un 21e critère de discrimination, qui reste à voter à l’Assemblée nationale : la stigmatisation anti-pauvre.
La loi française prévoit 20 critères de discrimination, pour motifs religieux, racial, sexuel… Le 18 juin dernier, le Sénat a ajouté un 21e cas de figure, qui reste à voter à l’Assemblée nationale : la stigmatisation anti-pauvre. On ne parle pas ici des difficultés quotidiennes vécues par les plus démunis (fins de mois ric-rac, logements dégradés, absence de vacances…), mais bien de pratiques ou de propos volontairement blessants à leur encontre. Une “double peine” en quelque sorte.
Explication de Yannick Vaugrenard, sénateur socialiste de la Loire-Atlantique, porteur de la proposition de loi inspirée par l’ONG ATD Quart Monde :
“Ce texte, dont un équivalent existe déjà en Belgique ou au Québec, doit aider les précaires à se défendre devant les tribunaux, mais il a aussi un rôle pédagogique vis-à-vis de la société. Le sens du vent depuis quelques années est de dire : ‘Les pauvres sont ceux qui ne font pas ce qu’il faut, voire qui profitent.’ Ce discours doit cesser.”
Mais où commence la discrimination ? Un Français gagnant 3.000 euros par mois pourrait-il se dire victime s’il ne pouvait pas louer un appartement de 150 mètres carrés dans un quartier chic de Paris ? Le sénateur corrige :
“Non, bien sûr, parce qu’il aurait la possibilité de se loger ailleurs. On n’est discriminé que si son droit fondamental – avoir accès à un logement, à la santé, à l’éducation… – est bafoué.”
Aucune étude globale ne mesure précisément l’intensité des discriminations sociales dans notre pays, mais on sait, grâce à un calcul effectué sur ordre de Martin Hirsch, alors haut-commissaire aux Solidarités, que les moins bien lotis dépensent de 6 à 8% de leurs ressources (soit 2 milliards d’euros par an) pour des motifs injustes : parce qu’une assurance automobile est plus chère pour un chômeur, parce que les crédits des banques sont plus élevés… Des pratiques bientôt bannies ?