Le vendredi 10 juillet à Paris, une manifestation contre le voile s’est déroulée place de la République à Paris. Elle était organisée par l’antenne française de l’organisation canadienne des “Femmes sans voile”, dans le but de “dénoncer l’obscurantisme”. Problème : est-ce vraiment féministe d’imposer le non-port du voile aux femmes qui l’ont choisi ? La réponse de David Simard philosophe, psycho-sexologue.
En France, l’islam pose problème à beaucoup de monde, dans un large spectre iconoclaste : d’organisations d’extrême-droite à certaines organisations féministes, en passant par les électeurs de droite mais aussi, de plus en plus, de gauche.
À droite et surtout à l’extrême-droite, le rejet de l’islam est associé au racisme envers les Maghrébins ou identifiés comme tels, même si le FN par exemple masque ce racisme derrière une défense de la laïcité faisant écho à la théorie du choc des civilisations dans une optique identitaire. Mais qu’en est-il à gauche ?
La sociologue féministe Christine Delphy, co-fondatrice avec Simone de Beauvoir de la revue “Nouvelles Questions Féministes”, s’interrogeait il y a quelques jours à ce sujet dans les colonnes numériques du “Guardian”. Selon elle, la laïcité est utilisée par certaines organisations féministes établies comme argument contre l’islam, au point de refuser, dit-elle, que des femmes portant le voile, “symbole de l’oppression des femmes”, puissent assister à leurs meetings.
Christine Delphy vise particulièrement des féministes blanches, qui utiliseraient la laïcité pour masquer leur racisme, dans un pays où les femmes musulmanes ne sont pas considérées comme de “vraies” françaises.
De fait, le voile dans l’islam est utilisé comme non seulement un symbole mais aussi un moyen de l’oppression des femmes. D’une manière plus générale, les trois grandes religions monothéistes, dont les histoires sont bien plus imbriquées que ce que l’on a coutume de penser, n’ont cessé d’inférioriser les femmes, et ce n’est pas à elles que l’on doit les avancées en matière de droits des femmes et d’égalité des sexes.
Il est donc tout naturel que des mouvements féministes se positionnent contre l’imposition du voile, et plus généralement contre ce qui, dans les religions, soumet les femmes aux hommes. En revanche, la laïcité telle que conçue en France, outre la séparation des églises et de l’État, garantit la liberté de conscience, qui inclut la liberté religieuse. Ce point est souvent omis. […]
Être libre par rapport au voile, en un sens qui soit à la fois féministe et laïque, signifie pouvoir choisir soi-même de le porter ou non. Sinon, soit on a affaire à un féminisme lui-même tyrannique qui prétend libérer les femmes malgré elles et même contre elles, soit on a affaire à une conception identitaire et non égalitaire de la laïcité, ou qui défend un universalisme de l’uniforme et non de la diversité.