C’est une constante de l’histoire, depuis que les gouvernements existent : ils sont irrémédiablement fâchés avec leurs dettes.
[…] Un ouvrage publié par les économistes Reinhard et Rogoff (This time is different) en 2008, étudie 66 pays sur plus de 800 ans. Il nous révèle que tous les États ont connu des problèmes de dette publique. Pis, quelle que soit la région du monde, les défauts de paiement des États endettés sont plus fréquents statistiquement que le remboursement à la date prévue !S’agissant de la Grèce, elle a été, depuis son indépendance en 1830, plus d’une année sur deux en situation de défaut et de rééchelonnement de sa dette. Elle a connu six défauts souverains. En observant l’histoire, le défaut grec actuel apparaît cependant singulier car les pays développés ne faisaient plus défaut depuis les années 1980. […]
Les causes des défauts souverains vont de la guerre aux politiques économiques. Leur résolution est également différente. Observons le cas de la France. Sous la monarchie, le nombre de banqueroutes est considérable. Chamfort en dénombrait cinquante six depuis Henri IV. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, un nombre infini d’expédients, tous plus inefficaces, ne manquaient pas d’être utilisés. Après avoir battu monnaie par la création d’offices inutiles, après avoir falsifié la monnaie d’or et d’argent, après avoir pressuré les juifs ou les marchands étrangers, après avoir confisqué les biens de leurs sujets les plus riches, les souverains et leurs technocrates de l’époque rivalisaient de promesses fallacieuses, engageaient leur parole (verbum regium), dans l’espoir vain d’obtenir personnellement quelque prêt d’argent. Au final, on avait admis que les dettes d’un roi mouraient avec lui. […]
L’histoire de la dette publique montre, enfin, à quel point l’endettement public excessif peut être dangereux pour un peuple. Honoré de Mirabeau a été le premier à y voir un facteur d’instabilité politique majeur. Il a par ces mots rudes rapidement alerté les Français, au lendemain de la Révolution : « la dette publique fut le germe de la liberté. Elle a détruit le Roi et l’absolutisme. Prenons garde qu’en continuant à vivre, elle ne détruise la nation et ne nous reprenne la liberté qu’elle nous a donnée ». Ces propos illustrent le mécanisme politique conduisant au renversement d’une monarchie totalement ruinée : à l’aube de la Révolution, les finances du royaume sont dans un état calamiteux, générateur de violents conflits sociaux. La dette fait fondre le stock d’or, baisser la valeur de la monnaie et entraîne une hausse des prix des biens de première nécessité tels que le pain. Les premières victimes sont les populations les plus pauvres. […]
Déficit de la monarchie française de 1600 à 1715.