Membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et cofondatrice du réseau Migreurop, Claire Rodier critique le manque de réalisme des pays européens sur la question migratoire. Pour cette juriste, membre du Gisti, l’Europe et la France ne font preuve d’«aucune imagination» en misant sur une doctrine uniquement répressive.
Quant à la situation à Calais, 3 000 personnes, c’est peut-être beaucoup pour une ville, mais une goutte d’eau à l’échelle de notre pays. La France a des capacités d’accueil. C’est une question de volonté politique. Aujourd’hui, en Europe, chacun est obsédé par sa propre opinion publique.
La France, comme d’autres pays, reste braquée sur l’illusion qu’on peut contrôler ses frontières.
Quel regard portez-vous sur l’action politique concernant la question migratoire ?
Si l’on prend un peu de recul sur les dix dernières années, on ne peut que constater une répétition constante : augmentation des moyens financiers, lutte contre l’immigration clandestine et les réseaux de passeurs, sécurisation des frontières, plus grande collaboration avec les pays d’origine… Force est de constater que ces mesures sont inefficaces.
Comment expliquez-vous cette répétition et cette absence de solutions nouvelles ?
Sur les quinze dernières années, il n’y a eu, de la part des gouvernements, aucun effort, aucune prise en compte de l’évolution du phénomène migratoire (changement de nationalités, de motifs de départ…). Les pays de l’UE en sont restés aux analyses et aux méthodes qui valaient dans les années 90. A l’époque, face à une immigration essentiellement économique, il s’agissait de donner l’impression aux opinions publiques que l’on contrôlait qui pouvait ou non entrer et rester sur le territoire. Cette doctrine répressive reste celle des gouvernements européens actuels. Or la situation de 2015 est différente. […]
N’est-ce pas aussi par peur de la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays européens ?
On peut aussi penser que la montée de l’extrême droite sur notre continent est due à ces discours anti-immigration tenus par des femmes et hommes politiques censés se montrer responsables et capables de dégonfler les fantasmes… Alimenter le rejet, la peur de l’immigré sur fond de crise économique et sociale, c’est aussi un très bon ferment pour l’extrême droite. Ce discours d’hostilité dure depuis quinze-vingt ans, et l’extrême droite ne cesse de monter. […]