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Témoignage. Fabien, 33 ans, l’homme qui a été agressé par Abdoulaye Camara, tué par la police le 16 décembre 2014 avenue du Bois-au-Coq au Havre, raconte pour la toute première fois comment il vit aujourd’hui, après les événements.

«J’ai la rage. Il m’a gâché ma vie. J’ai vraiment perdu l’utilité de ma main droite, je ne peux plus bouger mes doigts. Il a vraiment bousillé ma vie », insiste avec fermeté Fabien, victime de l’agression d’Abdoulaye Camara, avenue du Bois-au-Coq, dans le quartier de la Mare-Rouge au Havre, le 16 décembre dernier. Aujourd’hui, Fabien accepte de sortir du silence. Il parle, pour la première fois. Mais pas question de voir son visage.

16 décembre 2014. Ce jour-là, alors qu’Abdoulaye Camara poignardait Fabien à plusieurs reprises, deux policiers interviennent et tirent vingt-trois balles sur l’agresseur. On retrouve dix-huit impacts, dont quatre au niveau thoracique, qui ont tué Abdoulaye Camara. « Je ne le connaissais pas, je ne l’avais jamais vu avant. Quand j’ai vu son visage dans les journaux, je l’ai découvert. C’est à cause de lui que je ne peux plus travailler. Je ne peux plus travailler à vie ! », répète-t-il, en élevant la voix, de colère.

Manutentionnaire intérimaire depuis l’âge de 18 ans, sans l’usage de sa main droite, Fabien, droitier de 33 ans, ne peut donc plus exercer son métier.

Des fils, il en a « plein le corps ». « Mon nez a été coupé en deux, il pendait sur mon menton, vous vous rendez compte… Il m’a aussi sectionné le muscle du bras gauche. » Il a des fils au nez, vingt-deux aux fesses, quinze dans le dos, trois aux mollets, vingt à chaque bras, et une vingtaine à la main droite. « Je ne peux même plus écrire mon prénom », se désole-t-il, désemparé.

Son séjour à l’hôpital a duré quinze jours. « Quand je me suis réveillé, je ne savais pas ce qu’il s’était passé. Je me suis dit : Mais qu’est-ce que je fais là ? Je ne me souviens de rien, même pas du moment où je suis sorti de chez mon frère, juste avant de me faire agresser », raconte la victime, qui a toujours vécu dans le quartier de la Mare-Rouge, au Havre.

Fabien est transformé physiquement. Mais il l’est aussi psychologiquement. Depuis son agression, il a peur. Et le mot est faible. « J’ai demandé à mes parents de ne pas mettre mon nom sur le registre de l’hôpital » de crainte « de représailles alors que je n’ai fait de mal à personne », dit-il.

Dorénavant, « je ne sors plus tout seul mais accompagné. Je me retourne toutes les deux secondes pour savoir s’il y a quelqu’un qui me suit et qui va se jeter sur moi. » Il poursuit : « Avant, j’étais dehors 24 h/24, maintenant je suis l’homme qui sort une voire deux heures par jour. Je suis l’homme qui reste à la maison », craque Fabien.

Lui qui allait voir son frère régulièrement chez lui, « je n’y vais que très difficilement ». Trop dur. « Certaines personnes qui me connaissent et qui me croisent m’ont déjà dit : Tiens, t’es toujours vivant toi ? Ils sont étonnés de me voir dans la rue. » Cette peur au ventre, il ne pense pas qu’elle va disparaître. « Je ne suis plus le même. Je n’ai plus la même vie.»

(L’agresseur Abdoulaye Camara, auteur de 22 coups de couteau sur sa victime, a été abattu par la police au moment des faits)

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Merci à Jerem

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