Ce pourrait être une nouvelle émission de téléréalité. Sans toutefois, pour les candidats, avoir la capacité de sortir. Ou pas tout de suite. Depuis des mois, aux quatre coins des prisons de France, les détenus, interdits de téléphones portables, postent photos et films sur leur profil Facebook. (…)
Rien d’alarmant lorsqu’il s’agit de gentilles photos d’anniversaire dans une cellule, même si par principe, la direction s’y oppose fermement. “Les détenus sont privés de la liberté d’aller et venir mais pas de la liberté d’expression !”, martèle Amid Khakllouf, coordinateur sud-est de l’Observatoire international des prisons (OIP), favorable à “une autorisation encadrée afin de maintenir les liens familiaux”.
Des liasses de billets ou de la drogue
Plus gênant, en revanche, lorsqu’on exhibe sur la toile des liasses de billets ou de la drogue… Après l’émoi suscité l’an passé par la page “MDR o Baumettes” et les sévères déclarations des autorités, force est de constater que rien n’a changé. Si la page a été fermée, elle avait eu le temps de récolter 4 800 like et de faire des émules.
Ces dernières semaines, un cran de plus a même été franchi avec le film d’une “tentative” d’évasion au nez et à la barbe des surveillants. Pis, le 30 juillet, sur un autre film posté depuis la maison d’arrêt de Luynes, on entendait clairement un détenu, au beau milieu de la cour de promenade, menacer de mort un Berrois, placé en détention provisoire après la tentative d’enlèvement d’un enfant dans un camping. (…)
““On passe pour des cons !, lâche sans détour Sébastien Brandt, délégué syndical Ufap à Luynes. Depuis que les fouilles systématiques ont été supprimées, c’est la folie. Les téléphones, la drogue, l’argent… tout rentre plus facilement. Supprimer ces fouilles, c’était ouvrir la boite de Pandore ! On ne peut pas être partout. À Luynes, on a 920 détenus pour 600 places !” Concédant que “la technologie moderne ne plaide pas en notre faveur”, Pierre Raffin, directeur régional adjoint de l’Administration pénitentiaire, nie farouchement fermer les yeux sur ces téléphones en détention. (…)
Face à ce constat d’impuissance, l’OIP assure que l’autorisation des téléphones est la meilleure des solutions. “Appeler d’une cabine coûte 80 centimes la minute. C’est très cher, estime Amid Khallouf. Ces téléphones servent surtout à appeler les familles. Dans les maisons d’arrêt, les détenus sont livrés à eux-mêmes 22h sur 24. Le téléphone peut leur permettre d’obtenir une formation, comme cela a été le cas récemment pour un détenu. Après, c’est à l’Administration de vérifier si ces communications ou ces photos portent atteinte à l’établissement ou à un autre détenu”.
“L’introduction de la télé a permis de canaliser les détenus mais les téléphones, c’est pas pareil, rétorque Sébastien Brandt. Avec les mobiles et Internet, ils se montent la tête et jouent à la téléréalité. Si demain on autorise les portables en détention, certains en auront toujours une utilisation détournée pour aller sur Facebook ou menacer leur victime”.
Face à ce casse-tête, Jean-Marie Delarue, l’ancien contrôleur général des prisons, et son successeur, Adeline Hazan, estiment néanmoins que “le portable en prison est un facteur considérable d’apaisement”. “Nous épuisons les personnels à la recherche de portables qui est un puits sans fond”, assurent-ils. Reste que les autorités sont bien démunies et que Facebook ferme régulièrement les yeux sur les dérapages…
Merci à Bobbynette