De nombreux quartiers de Paris sont sujets à une gentrification croissante. Le bastion “populaire” de la Goutte d’Or dans le XVIIIe arrondissement, à forte population immigrée, n’est pas épargné mais résiste davantage, notamment grâce à l’implantation de logements sociaux et au fort ancrage des commerces exotiques selon Les Inrocks.
A la sortie du métro Château-Rouge, l’agitation règne sur le marché Dejean, autour des étals colorés de fruits et légumes exotiques, comme des concombres africains ou des melons à corne. Plus loin, ce sont des poissons fraîchement arrivés d’Afrique qui font concurrence aux étalages des boucheries halal.
Ce quartier multi-ethnique du Nord-Est parisien est souvent considéré, à raison, comme l’un des derniers bastions populaires de la capitale. “Ici, t’es en Afrique, lâche une femme accoudée sur son Vélib’. T’as beau ne pas y être, c’est tout comme.”
Mais, à l’instar du Marais ou de la Butte-aux-Cailles avant lui, le quartier s’est embourgeoisé ces dernières années. Depuis les années 2000, les prix de l’immobilier ont considérablement augmenté à Paris et la Goutte d’Or n’a pas été épargné, avec une augmentation de 144% entre 2002 et 2007. La gentrification a pourtant du mal à prendre. Un hasard ? Non. La politique de la mairie en matière de logement social est un premier élément d’explication.
En 2001, la municipalité a lancé un grand plan de réhabilitation de la Goutte d’Or avec en ligne de mire les immeubles d’habitation insalubres surpeuplés et les hôtels meublés. Le mot d’ordre : détruire pour mieux reconstruire. Social de préférence. […]
“Tout le challenge est de rénover sans voir partir les populations les plus modestes, continue Ian Brossat. L’arme du logement social permet de maintenir sur place des populations qui dans le parc privé n’auraient plus leur place.” […]
La mairie de Paris souhaite “casser l’image ‘ghetto’ de la Goutte d’Or et en faire un quartier populaire ‘normal’ de Paris, analyse Lydie Launay, post-doctorante CNRS en sociologie et spécialiste de la gentrification. Et la normalité passe par l’intégration des classes moyennes dans le quartier”.
Pour mener à bien sa politique, la mairie du XVIIIe a instauré une politique de “tiers mixité sociale”. Un tiers des logements sociaux SRU est réservé au logement d’urgence, un tiers aux demandeurs classiques et un tiers aux dits gentrifieurs. […]
Derrière le comptoir de sa boutique rue Myrha, Isabelle a le sourire qui remonte jusqu’aux oreilles. “Croyez-moi, la gentrification, c’est pas encore pour demain, s’exclame-t-elle. On ne veut pas que ça devienne un quartier bobo, mais c’est l’apartheid ici. Il n’y a aucune mixité dans les immeubles. ” Selon elle, les gentrifieurs qui vivent à la Goutte d’Or ne participent pas à la vie de quartier […].
Cette prédominance des “commerces exotiques” n’est pas au goût de tout le monde. Pour “désengorger” le quartier, la mairie souhaite construire autour de la porte de la Chapelle, à cheval entre Aubervilliers et Paris, le Marché des cinq continents. “L’idée est de créer un lieu qui puisse accueillir à la fois le commerce africain, maghrébin, sud américain, asiatique… Mais qui soit aussi un lieu de vie avec des restaurants”, détaille Eric Lejoindre, le maire du XVIIIe arrondissement. […]
“Il y a beaucoup de résistance, notamment de l’Association Château Rouge (ACR), un groupe de commerçants locaux, regroupant principalement des boucheries halal, détaille Lydie Launay. Ils se demandent pourquoi on veut absolument les délocaliser.”