Un bureau de vote en 1891 (tableau d’Alfred Bramtot).
Cette question de l’orientation politique, s’il a beaucoup de chances, le généalogiste peut y répondre. Dans la France rurale du XIXe siècle, il arrivait parfois qu’un petit village vote à la quasi-unanimité, ou du moins à une forte majorité, pour un des candidats en lice aux élections. Ces votes par commune peuvent être trouvés, soit dans la presse locale à l’époque concernée (conservée aux archives départementales, quelquefois mise en ligne comme sur le site des Archives départementales du Morbihan, du Lot, etc.), soit dans les procès-verbaux d’élection dans ces mêmes centres d’archives (voir sur place l’inventaire de la série M pour trouver la côte).
Journal du Lot du 4 mars 1876.
Prenons deux exemples ; deux circonscriptions électorales en France pour les élections législatives du 20 février 1876 (premier tour) : l’arrondissement de Pontivy (Morbihan), où s’affrontaient le légitimiste Albert de Mun (élu) et le républicain Cadoret, et la première circonscription de l’arrondissement de Cahors (Lot), où étaient en lice le comte Murat (élu) et Adolphe Thiers (ex-orléaniste rallié à la République).
Le Journal du Morbihan (royaliste) du 8 mars 1876 donne les résultats pour les deux tours commune par commune. L’arrondissement comporte 51 communes et 10 communes ont des résultats particulièrement tranchés. Le problème en revanche du Journal du Morbihan est qu’il ne donne pas le nombre d’inscrits par commune (pour observer les abstentions). Les communes ayant donné une majorité d’au moins 80% des suffrages exprimés en faveur de l’un ou de l’autre sont listées ci-dessous :
> 99 % : Bieuzy (légitimiste)
> 90 % : Neulliac (lég.), Relungol (lég.)
> 80 % : Baud (lég.), LaChap-Neuve (lég.), Lanhoëlan (républicain), Naizin (lég.), Roudouallec (lég.), Saint-Aignan (rép.), Séglien (rép.)
Le généalogiste amateur ayant un de ses ancêtres homme et électeur ayant vécu dans l’une de ces communes peut supposer que son ancêtre ait suivi la tendance de la commune (en terme de probabilité). Si cet ancêtre a vécu à Bieuzy, il est même quasiment certain qu’il ait voté pour Albert de Mun.
Pour l’arrondissement de Cahors, le Journal du Lot du 4 mars 1876 (républicain) indique cette fois le nombre d’inscrits par commune, ce qui permet d’avoir le nombre d’abstentions et de bulletins nuls. Les communes dont au moins 80% des électeurs inscrits ont voté pour l’un ou l’autre candidat sont au nombre de 20, sur un total de 56 communes, soit plus du tiers ! Ces communes ont toutes donné une majorité au comte Murat :
> 99 % : aucune
> 90 % : Cras, Esclauzels.
> 80 % : Arcambal, Belmont, Cours, Cremps, Escamps, Espère, Flaujac, Fontanes, Laburgade, Lauzès, Lentillac, Lugagnac, Nadilhac, Orniac, Saint-Martin-de-Vers, Sauliac, Valroufié, Vidaillac.
Et encore les abstentions ont-elles été comptées avec le vote de l’opposition … alors qu’une abstention, si elle peut être due à un refus de choisir, peut aussi être le fait d’une impossibilité matérielle de voter (absence de la commune, alitement pour cause de maladie, …).
La méthode a néanmoins ses limites. A moins d’avoir une chance énorme (tomber sur une commune ayant voté à l’unanimité pour l’un ou l’autre candidat), le doute subsiste toujours. D’autre part, il ne sera jamais possible de connaître les motivations ayant poussé tel ou tel ancêtre à voter pour un candidat : vote d’adhésion (idéologique), vote de protestation, vote dû à la personnalité du candidat (charismatique) mais peu idéologique, etc. Il reste néanmoins intéressant de connaître l’orientation idéologique des communes et cantons dans lesquels ont vécu nos ancêtres, notamment pour les amateurs d’histoire politique.