C’est une mutation en douceur. Peu à peu, les plages algériennes adoptent les normes islamistes qui gagnent la société. Mais quelques rares régions résistent.
Habillée d’un voile gris et ample qui ne laisse voir que ses mains et son visage, la femme est sagement assise sur une petite chaise pliante au bord de l’eau. Son téléphone portable à bout de bras, elle se contente de filmer son mari et ses enfants, en plein concours de plongeons acrobatiques. La scène se passe à Oued Dar el-Oued, l’un des plus beaux sites de la splendide corniche kabyle (…).
Ces scènes de femmes voilées cantonnées sur la plage résument bien les nouvelles habitudes. Le boom de l’automobile et la relative accalmie sécuritaire poussent des milliers d’Algériens vers la mer à la belle saison. Si les sorties sont familiales, ce sont surtout les hommes et les enfants qui profitent des joies de la baignade.
Les femmes, elles, restent au bord et bénéficient de la fraîcheur des rivages seulement en trempant leurs pieds dans l’eau. Seules quelques téméraires s’y aventurent tout habillées.(..)
Salah tient une boutique de maillots de bain sur la route. Il vend essentiellement des bermudas et des « burkinis ». Tenue de plage censée préserver la fameuse horma, ou « vertu », le burkini se compose d’un long fuseau, d’une liquette à manches longues et d’un foulard pour cacher les cheveux. Les tenues floquées aux noms de griffes célèbres sont fabriquées en Turquie et coûtent 2 800 dinars (environ 24 euros). Les produits bas de gamme, une poignée de dinars moins cher, proviennent, eux, de Tunisie et de Chine (…).
Les plages, bondées, sont fréquentées majoritairement par les hommes venus de l’intérieur du pays. Il y a trois choses qu’il est inutile de chercher ici : un bar-restaurant servant de l’alcool, un touriste étranger et une femme légèrement vêtue. Les bords de mer sont à l’image d’une société de plus en plus gagnée par un islamisme plus social que militant.