Le XXI e siècle sera celui du grand brassage. Et, une fois n’est pas coutume, les économistes sont unanimes: la libre circulation des personnes conduit à plus de richesse et non le contraire. Cessons d’avoir peur des migrants.
Les économistes ne sont jamais d’accord entre eux, sauf sur un sujet : les bienfaits de l’immigration. Il en est bien peu dans cette profession qui soient malthusiens : pour la très grande majorité, la libre circulation des personnes conduit à plus de richesses et non le contraire.
Ce sont les hommes qui créent leur travail ; plus ils sont, plus il y aura de travail. Quant aux études économétriques, elles infirment toutes ce qu’affirment les populistes anti-immigration : non, les immigrés ne prennent pas le travail des autres ; non, ils ne créent pas de trous dans la Sécurité sociale. (…)
L’immigration apparaît « massive », mais ne l’est pas tant que cela. On compte 230 millions d’immigrés dans une population mondiale de 7,2 milliards, soit 3,2 %. C’est peu. (…)
Pour maintenir le financement de leur système social, les pays engagent des politiques d’attraction de diplômés ou de certains métiers, comme déjà l’Australie, le Canada, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et désormais l’Allemagne. Les vieux pays en ont besoin. Comme Barack Obama et Angela Merkel nous le disent, l’immigration est bienvenue.
(…) La géographie mondiale de l’immigration change vite : pour l’heure, la moitié des 164 millions d’immigrés du sud sont au Nord, mais la proportion de ceux qui iront du Sud au Sud va croître, soulageant la pression sur le Nord.
Tout cela devrait conduire à beaucoup relativiser l’angoisse d’invasion et, puisque l’immigration reste, somme toute, gérable, à mener des actions de long terme pour profiter de ses bienfaits et éloigner ses inconvénients. (…)
La liste de ces actions est longue, on en citera deux. La première est la mondialisation, parce qu’elle enrichit le Sud. C’est la contradiction des populistes protectionnistes : s’ils ne veulent pas des produits africains chez eux, ils auront les Africains qui frapperont aux portes. La seconde est un paradoxe.
Les travailleurs immigrés envoient chez eux 550 milliards de dollars chaque année à leur famille restée au pays.
Ces mandats (« remittances » en anglais) représentent 2,5 fois l’ensemble des aides au développement, sous toutes les formes, que le Nord verse au Sud. Cette somme permet, tant bien que mal, de trouver de l’eau, de se nourrir, de s’éduquer, de se soigner pour un milliard de personnes, selon Peter Sutherland, représentant de l’ONU pour les migrations et le développement. La pauvreté évitée, beaucoup peuvent rester au pays.
L’immigration est la première des armes contre l’immigration.
Il est temps d’ôter les masques de peur, de regarder les faits et d’en parler calmement.
Éric Le Boucher, né en le 26 mai 1950 à Paris, est un journaliste français, directeur de la rédaction du magazine économique Enjeux-Les Échos et l’un des cofondateurs du magazine en ligne Slate.fr
Merci à Asimov