Tribune de Thomas Piketty, Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l’Ecole d’économie de Paris.
L’ouverture manifestée par l’Allemagne est de ce point de vue une excellente nouvelle pour tous ceux qui s’inquiétaient d’une Europe moisie et vieillissante.
Aussi tardif soit-il, l’élan de solidarité en faveur des réfugiés, observé ces dernières semaines, a au moins le mérite de rappeler aux Européens et au monde une réalité essentielle.
Notre continent peut et doit devenir une grande terre d’immigration au XXIe siècle. Tout y concourt : son vieillissement autodestructeur l’impose, son modèle social le permet, et l’explosion démographique de l’Afrique doublée du réchauffement climatique l’exigera de plus en plus.
Tout cela est bien connu. Mais ce qui l’est peut-être un peu moins, c’est que l’Europe d’avant la crise financière était en passe de devenir la région la plus ouverte du monde en termes de flux migratoires. […]
Surtout, l’attitude ouverte sur le monde, manifestée par l’Allemagne, envoie un message fort aux ex-pays de l’Europe de l’Est membres de l’Union européenne, qui ne veulent ni d’enfants ni de migrants, et dont la population combinée devrait, selon l’ONU, passer de 95 millions actuellement à guère plus de 55 millions d’ici à la fin du siècle. La France doit se réjouir de cette attitude allemande et saisir cette opportunité pour faire triompher en Europe une vision ouverte et positive vis-à-vis des réfugiés, des migrants et du monde.