La noyade du garçonnet au tee-shirt rouge n’a pas ébranlé les murs d’une autre forteresse : les monarchies du golfe Arabo-Persique. Alors que le Liban, la Jordanie et la Turquie hébergent des centaines de milliers de réfugiés syriens, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis et le Koweït n’en abritent aucun.
Bien que gorgés de pétrodollars et beaucoup plus proches de la Syrie, géographiquement et culturellement, que ne le sont l’Allemagne ou le Royaume-Uni, les Etats de la péninsule Arabique refusent d’ouvrir leurs frontières aux victimes des atrocités commises par le régime de Bachar Al-Assad et l’Etat islamique (EI). […]
Ce protectionnisme trouve son origine dans le fragile équilibre socio-démographique sur lequel ces pays se sont construits. Leur prospérité repose non seulement sur l’or noir, mais aussi sur la présence d’une énorme main-d’œuvre émigrée, très bon marché, originaire le plus souvent d’Asie du Sud-Est. Si ces travailleurs étrangers représentent un tiers « seulement » de la population de l’Arabie saoudite, le ratio approche 90 % au Qatar et aux Emirats, ce qui soumet ces cités-Etats à des crispations identitaires récurrentes. « Aux Emirats, l’immigration est une question de sécurité nationale, confie Oussama, un Syrien qui a monté un cabinet d’études à Dubaï. Les gens ont le sentiment que s’il arrivait quelques milliers d’étrangers en plus, le pacte social, au fondement du pays, pourrait voler en éclats. » […]
La hantise numéro un est celle d’une infiltration par des sympathisants de l’Etat islamique, qui a déjà perpétré plusieurs attentats en Arabie saoudite et au Koweït. Les potentats du Golfe, conscients que la stabilité politique constitue leur principal atout financier, ne voient pas d’un très bon œil la perspective d’accueillir une population désormais politisée, parfois même rompue à l’agit-prop. Si Doha et Riyad comptent parmi les parrains les plus influents de l’insurrection syrienne, ce qu’ils encouragent en dehors de leurs frontières demeure strictement interdit à l’intérieur. […]
Pour l’instant, aucun dirigeant du Golfe ne s’est exprimé sur la question. L’opinion publique, strictement surveillée, reste largement muette. Sur le site du journal qatari Gulf Times, un contributeur anonyme écrit : « Dans cette partie du monde, le silence est assourdissant. »
Merci à panoupanou