En quelques semaines, la crise des migrants a opéré une vraie décantation sur l’ensemble des partis français. Analyse de Nicolas Chapuis et Alexandre Lemarié, journalistes au Monde.
La gauche et l’extrême droite ont déjà pris position. La droite sait que, quelle que soit sa ligne, elle sera structurante pour les années à venir.
« Jusque-là, notre discours, c’était fermeté d’abord, humanité ensuite, mais là on a totalement inversé les deux», se félicite un dirigeant du Parti socialiste.
Après avoir refusé tout l’été la mise en place de quotas sur l’accueil des réfugiés en Europe, l’exécutif a fini par en accepter le principe dans le sillage de l’Allemagne, même si le mot reste, lui, banni du vocabulaire officiel. «François Hollande était persuadé que le sujet allait monter, mais vu la situation politique, il ne pouvait pas prendre le leadership sur cette question, il est donc allé chercher Merkel», raconte l’un de ses proches. Justification tardive du retard à l’allumage de la gauche. Car l’hésitation s’explique surtout par la tétanie d’une partie de la majorité face à la montée du Front national.
Pour la première fois depuis longtemps, la majorité tient une cause autour de laquelle elle peut rassembler son camp, voire au-delà. […]
Mais l’objectif est avant tout de réintroduire un fort clivage politique. Car à l’autre bout du spectre politique, la crise des migrants a également opéré une clarification. Plus de brouillage des lignes politiques, Marine Le Pen assume un discours radical de rejet des réfugiés, dans la plus pure tradition de l’extrême droite. […]
Plongés dans un profond embarras sur la question des réfugiés, Les Républicains (LR) semblent en effet pris en étau. La position de fermeté en refusant d’accueillir des réfugiés ? Difficile à tenir pour la droite française, quand la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique, David Cameron – souvent cités en exemple ,– font assaut de générosité et quand le pape lance des appels aux catholiques, les incitant à ouvrir leurs portes aux migrants. Une ligne accueillante ? Pas évident non plus à tenir face à la pression du FN et de l’électorat de droite, de plus en plus sensible aux discours de fermeté sur l’immigration. 68 % des sympathisants de droite sont réfractaires à l’accueil des réfugiés sur leur sol, selon un sondage Odoxa pour Paris Match et i-Télé réalisé les 3 et 4 septembre. […]