Jérôme Sainte-Marie décrypte le débat politique et médiatique qui s’installe en réaction à la crise migratoire. Celui-ci pèsera lourdement sur les élections présidentielles de 2017.
Entre compassion et inquiétude, nous traversons à n’en pas douter un moment d’émotion assez rare, dont il déjà possible de dépeindre les ambiguïtés, et qui ne fait qu’accélérer le changement d’axe de la vie politique française. […]
Les sondages montrent que près de la moitié des Français persistent à s’opposer à l’accueil de migrants ou réfugiés supplémentaires sur le territoire national. Dans un contexte où exprimer une telle opinion revient à refuser non seulement le dispositif spectaculaire prônant l’ouverture partielle des frontières européennes, mais aussi la position affirmée des autorités françaises et allemandes, il s’agit d’une proportion considérable. […]
Ensuite, la structure des perceptions autour de cette crise est parlante. La tripartition politique actuelle s’y reflète, ainsi que son caractère transitoire. Ainsi, la gauche toute entière communie dans sa volonté d’accueil, les sympathisants du Front national refusent massivement cette perspective, et ceux de la droite de gouvernement se divisent. […]
Le débat qui s’annonce sur la politique migratoire de la France s’inscrit cependant dans une autre logique, celle d’une polarisation sociologique et culturelle qui rappelle furieusement celui des campagnes référendaires sur la construction européenne. Les autorités politiques, sociales et même religieuses penchent d’un côté, et la France des « invisibles » de l’autre. […] Il en fut ainsi en 1992 comme en 2005, la stigmatisation du prétendu «populisme» par les uns laissant place à la dénonciation de supposées «élites» par les autres. […]
Les études d’opinion, à commencer par celles commanditées par le gouvernement, montrent depuis des mois l’inquiétude grandissante à l’égard de l’immigration, dans toutes ses dimensions. La paupérisation réelle que connaît le pays ne pousse pas davantage à une générosité impulsive. Le discours sur la réduction de la dépense publique, qui avait marqué des points dans l’opinion, ne semble guère compatible avec les envolées lyriques actuelles. Enfin, la répartition autoritaire sur le territoire nationale des personnes nouvellement accueillies donnera un caractère concret au débat général. […]