Pour Alain Duhamel, Le débat sur l’accueil des migrants est une occasion inespérée pour Marine Le Pen de réactiver le cauchemar des invasions barbares.
Une dangereuse illusion serait de croire que la bataille de l’opinion est d’ores et déjà gagnée, et que les Français ont définitivement choisi le camp de la main tendue plutôt que celui des poings fermés. La volte-face subite d’Angela Merkel risque, en effet, de brouiller lourdement le climat, et les contradictions européennes flagrantes peuvent remettre en cause les élans ou les choix des Français.
On peut même craindre que l’idéologie des frontières trouve un terrain beaucoup plus favorable que l’esprit des Lumières.
On avait vu dans ce décalage [entre la France et l’Allemagne] une sorte de parabole : une nation en bonne santé, dynamique et confiante en ses capacités, se disait prête à absorber par centaines de milliers ces immigrés fuyant la guerre, les persécutions ou la faim. En face, une autre nation, anxieuse et incertaine de son destin, refusait de s’ouvrir aux déshérités, classant désormais la générosité au-dessus de ses moyens.
Et puis, dans un deuxième temps, notamment sous le coup de l’émotion suscitée par la photo du corps d’un petit garçon syrien, mort sur une plage turque, l’opinion hexagonale semblait s’être retournée. […]
Marine Le Pen prétend claquemurer la France que le chef de l’Etat n’entrouvre qu’à l’espagnolette. L’une agite le cauchemar des invasions barbares, l’autre rêve de solidarité indolore. Tous deux n’ont en tête que la xénophobie, elle pour en faire une arme, lui pour trouver un bouclier. Elle tonitrue, il argumente. Passion contre raison, Chevauchée des Walkyries contre Clavecin bien tempéré.