Après ce “lynchage public”, tous les yeux étaient donc rivés sur l’explication de Maïtena Biraben vis-à-vis de ses propos. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’intéressée a pris ses responsabilités ce vendredi soir dans le Grand Journal. “Hier soir dans mon interview avec Eric Dupond-Moretti, j’ai utilisé à propos de Front National l’expression ‘discours de vérité’. Il était question de la forme, pas du fond. D’ailleurs, Eric Dupond-Moretti en a témoigné ce matin et je l’en remercie” a-t-elle expliqué face à la caméra. “J’aurais pu dire ‘un discours cash’, ‘un discours anti-langue de bois’ mais j’ai dit ‘un discours de vérité’. Pour éviter tout nouveau raccourci, je vous invite à regarder le replay”.
Enfin, Maïtena Biraben a tenu à adresser un petit message à ses confrères. “Merci à vous de suivre avec autant d’attention mes émissions mais s’il vous plaît, n’hésitez pas à être un tout petit plus détendus quand même”. Fin de la polémique ?
Pour Renaud Dély, rédacteur en chef du Nouvel Obs, les propos de Maïtena Biraben sur le FN sont le symptôme de la “lepénisation des esprits”.
Le brevet de “vérité” accordé au Front National jeudi soir 25 septembre par Maïtena Biraben sur le plateau du Grand Journal est un lourd de sens. Non pas sur les convictions politiques de l’animatrice elle-même, dont on ignore à peu près tout, et qui n’ont pas grande importance. Pas davantage sur sa compétence professionnelle : tout journaliste est susceptible de commettre des erreurs, surtout en direct, et l’on se gardera bien de prétendre donner des leçons. […]
La sortie, sans doute involontaire, de Maïtena Biraben n’est pas un scandale, c’est un symptôme. Le signe qu’à force d’asséner, de ressasser, de marteler ses mensonges, le Front National finit par réussir à les imposer dans le débat public. On appelle ça la “lepénisation des esprits” et celui de Maïtena Biraben a semblé un instant, et sans même s’en rendre compte, atteint par ce mal qui ronge depuis déjà longtemps le débat public.
Non, sous la férule de Marine Le Pen, le Front national ne s’est ni recentré, ni respectabilisé. Ce n’est pas parce qu’il s’est débarrassé de son fondateur, et de ses saillies antisémites, qu’il se serait en quoi que ce soit ramolli ou qu’il se serait transformé en parti de gouvernement. […]
Depuis des semaines, sans jamais faire preuve de la moindre compassion pour l’une ou l’autre des 3.500 victimes, hommes, femmes et enfants, noyées depuis le début de l’année dans la Méditerranée, Marine Le Pen répète qu’il faut par tous les moyens repousser ces “envahisseurs” qui prétendraient “détruire la France”. La présidente du FN ne parle jamais de “réfugiés”, ni même de “migrants”, mais de “clandestins” qu’il faudrait tous, sans exception, et quelle que soit leur situation, renvoyer en bloc dans leur pays d’origine, même si celui-ci est en guerre comme la Syrie ou l’Irak.
L’extrême droite sait que le combat politique est aussi un combat lexical. Il serait temps que les défenseurs des idéaux des Lumières et des valeurs de la République s’en souviennent. Et s’appliquent, à leur tour, à user des mots justes.
Merci à jidji
L’animatrice du talk-show de Canal + a regretté que ni le Parti socialiste ni les autres partis «classiques» ne tiennent les «propos de la vérité» que le Front national, selon elle, incarne.
Maïtena Biraben recevait, ce jeudi soir, l’avocat Eric Dupont-Moretti dans une émission consacrée au «politiquement correct». La journaliste l’a interrogé sur ses déclarations antérieures, selon lesquelles la France ne serait plus «le pays des droits de l’homme». Evoquant ensuite le Front national, l’animatrice a estimé que les «Français se reconnaissent dans ce discours de vérité qui est tenu par le Front national». Elle déplorait que ni le Parti socialiste ni les partis classiques ne se saisissent aussi franchement des enjeux.
(…)
Vous savez que ces propos, les propos de la vérité sont souvent tenus et incarnés par le Front national aujourd’hui. Rarement par le Parti socialiste, très rarement par les partis classiques, c’est quelque chose qui vous pose problème? Ou que vous entendez et qu’à la fin des fins, vous comprenez?
Le Front national est pour moi un véritable problème. Je pense que c’est une petite entreprise qui marche bien (…).C’est terrifiant et rien n’y fait. Et quand on voit cette petite mascarade entre le père et la fille. Les électeurs n’ont pas à l’évidence pas pris acte de cela. Le vieux s’est occupé des juifs, elle s’occupe des arabes. Je trouve que ces gens n’ont pas ces fondamentaux qui sont à mes yeux essentiel dans ce qu’est la nation. Je ne me reconnais pas dans ces gens là…
Et pourtant les Français se reconnaissent dans ce discours de vérité qui est tenu par le Front national…
Hélas et c’est, pour moi, absolument terrifiant. Terrifiant. C’est un parti fondé sur la haine et je pense qu’en période de crise, la peur de l’autre revient de façon récurrente. C’est leur fond de commerce.