Le philosophe Michel Onfray, désormais au centre du débat public, est accusé de faire le jeu du Front national. Il semble prendre un malin plaisir à se retrouver au cœur de la mêlée. Au nom d’une légitime colère contre les injustices ? Ou d’un ressentiment contre des élites qu’il ne cesse de dénoncer ?”L’Obs” l’a rencontré.
Depuis 2002, je lutte contre les idées qu’il véhicule. J’ai créé les universités populaires comme une machine de guerre contre les idées du Front national. Ainsi, je fais mon boulot de philosophe
“On ne dégonflera pas le phénomène Marine Le Pen en la comparant à Hitler !”
Etes-vous vraiment pour une alliance entre les souverainistes de tous bords, du parti de Marine Le Pen à celui de Jean-Luc Mélenchon ?
Michel Onfray. J’ai moins le souci de ces deux-là que des électeurs souverainistes qu’on trouve disséminés à droite et à gauche. Je connais des gens de la France d’en bas qui votaient jadis à l’extrême gauche et qui soutiennent maintenant Marine Le Pen. D’anciens communistes, d’anciens cégétistes aussi. […]
Mais sur l’islam, par exemple, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont loin d’être d’accord…
En effet, cette question les sépare vraiment : pour elle, c’est un danger; pour lui, c’est une chance.
Et pour vous ?
Ni l’un ni l’autre. Je suis athée. Il faut faire une lecture exégétique du Coran, dans lequel on trouve de quoi justifier le meilleur et le pire. Evidemment, suivant l’imam, suivant le musulman, suivant le pays qui prélève telle ou telle sourate, vous aurez un islam plus ou moins compatible avec la république. […]
Selon vous, Marine Le Pen ne constitue pas un danger ?
Mon problème n’est pas Marine Le Pen, mais ceux qui la rendent possible. Vous connaissez l’histoire du sage qui montre la lune et de l’imbécile qui regarde le doigt… Nombreux sont ceux qui regardent le doigt aujourd’hui. Pourquoi en est-elle là? A cause de la misère, de la pauvreté, du chômage, des promesses non tenues, des résultats de référendums mis à la poubelle, à cause du mensonge dans la classe politique, de la connivence dans le journalisme avec ce monde-là, à cause de la corruption dans l’Etat. […]