Directrice de recherche au CNRS, Catherine Wihtol de Wenden s’est spécialisée dans l’étude des migrations internationales. A rebours des tentations de repli en Europe, elle plaide pour un droit à la mobilité. Un facteur, selon elle, de régulation et de dynamisme vital pour l’avenir.
Extraits :
“L’Allemagne va accueillir 800000 demandeurs d’asile au cours de l’année 2015. C’est un message fort qui signifie que les autorités allemandes respectent le droit d’asile, une tradition nationale depuis la Loi fondamentale de 1949. (…) Auparavant, elle avait accueilli les trois quarts des réfugiés du bloc communiste ainsi que des réfugiés kurdes. On peut y voir une forme de justice que la société allemande s’est infligée pour chasser les souvenirs de l’époque nazie.”
“on constate que plus on ferme les frontières, plus on crée le trafic. La transgression devient une obsession pour toute une génération de jeunes gens du Sud frappés par un chômage de masse ou la guerre, et qui veulent bâtir un projet et envoyer de l’argent chez eux.”
“La mondialisation, aujourd’hui, c’est la fluidité. Tout circule, les marchandises, l’information, les capitaux, la culture. Au fond, les frontières n’existent plus que pour les individus. Partout, l’aspiration à la mobilité est très forte, d’où le sentiment qu’on porte atteinte aux droits de l’homme lorsqu’on l’entrave. C’est pourquoi je pense qu’il faut inverser la logique. Le principe devrait être le droit à la mobilité, ce qui obligerait les États à motiver leur décision d’imposer un visa.”
“Les stratégies de contournement [des frontières] se multiplient, malgré l’agence européenne Frontex. Les migrants ont réinventé la route de l’ex-Yougoslavie, de la Turquie à la Serbie via la Grèce et la Macédoine. Chaque fois qu’on ferme une porte, une autre s’ouvre. C’est sans fin.”
L’Express : Généraliser le droit à l’immigration, n’est-ce pas contribuer au pillage des cerveaux du Sud, comme on le craignait déjà il y a trente ans ?
“On le dit moins aujourd’hui, parce que les États du Sud savent qu’ils ne pourront pas absorber sur leurs marchés du travail tous leurs ressortissants qualifiés. Ils savent aussi qu’en exportant ces derniers, ils s’assurent des transferts de fonds. Le Maroc développe ainsi une véritable stratégie vis-à-vis de sa diaspora, qui permet de garder le lien et de recevoir de l’argent.”
“On observe que les secteurs où les migrants candidatent ne sont pas ceux qui attirent les nationaux. Regardez le bâtiment, l’agriculture, les services à la personne (qui vont se développer avec le vieillissement), la restauration… Même des postes de médecins de campagne ne sont plus pourvus, et il faut faire appel à des Roumains ou à des Bulgares.”
“Seuls les migrants eux-mêmes, pas les États, sont capables de maîtriser les migrations.”
Merci à Mielrubis