Roubaix, 95 000 habitants, 80 nationalités, 30% de bénéficiaires du RSA: une ville-monde qui, aujourd’hui, se replie sur elle-même.
A Roubaix et Tourcoing, les habitants ne veulent pas accueillir des migrants. Déjà trop de pauvreté, trop de difficultés. Un rejet soigneusement entretenu par des élus qui n’hésitent pas à jouer la carte du populisme.
Les mots ont claqué dans la torpeur estivale finissante: “La ville de Roubaix s’oppose fermement à la volonté […] d’accueillir de nouveaux migrants. Comme si Roubaix n’était pas déjà exemplaire en matière d’accueil de populations migrantes… Comme si Roubaix n’avait pas, en son sein, déjà suffisamment de familles en difficulté… Comme si Roubaix n’avait pas déjà deux grands camps de familles d’origine Rom.”
Ce 26 août, l’appel national à la solidarité avec les migrants n’est pas encore lancé par le gouvernement, mais déjà, dans cette ville du Nord, c’est “non”. […] parmi les habitants de Roubaix, l’argument “nos pauvres d’abord” porte. Très bien, même. Y compris parmi la population d’origine étrangère, nombreuse dans la ville.
“Que le maire s’occupe déjà des Français, immigrés ou pas, comme moi. Les gens qui viennent ici, ils ne viennent pas pour travailler, mais pour faire du trafic”, lance très spontanément ce septuagénaire kabyle, retraité de l’industrie textile, en France depuis cinquante ans. […]
A Tourcoing, la situation sociale est moins dure, mais les habitants sont tout aussi sensibles au discours de leur maire. Ce jeudi 24 septembre, au matin de la fête musulmane de l’Aïd, se mêlent, entre les étals du marché sur la Grand-Place, personnes âgées, femmes voilées, jeunes d’origine africaine. On s’interpelle, on se demande si, à l’occasion de la fête, les enfants ont manqué l’école. Tous soutiennent la position de Gérald Darmanin contre l’accueil des réfugiés. […]
Cette rivalité entre pauvres, les élus locaux l’entretiennent sans états d’âme. A Roubaix comme à Tourcoing, la question des Roms a été au centre de la dernière campagne municipale. Aujourd’hui, les réfugiés sont les nouveaux repoussoirs. “Le populisme de Gérald Darmanin rassure des gens qui ont peur. De même en développant la vidéo surveillance, il ne réduit pas l’insécurité, mais le sentiment d’insécurité. Et ça, les électeurs en parlent”, souligne Guy Fournier, de la Ligue des droits de l’homme de Tourcoing. “L’égoïsme, ça s’entretient dans l’esprit des habitants”, regrette Marius Capelle, le président de l’AFR à Roubaix. […]